Tâches domestiques, travail…. Comment alléger sa charge mentale ?

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Victoire N’Sondé

Temps de lecture estimé 7 minute(s)

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Si la charge mentale est devenue une expression populaire, c’est parce que de nombreuses femmes, des hommes également, souhaitent que les tâches domestiques, comme le travail, pèsent moins dans leur quotidien. Comment se manifeste-t-elle ? Quelles solutions concrètes pour la réduire ? On fait le point.

La bande dessinée débute quand Emma, l’autrice, arrive au domicile d’un couple d’amis chez qui elle est invitée. La maman l’accueille, tout en essayant de faire manger les enfants et en préparant le repas…jusqu’à ce que la casserole sur le feu déborde. « Fallait demander »(1) rétorque son conjoint. Remarque qui donne son titre à l’histoire. C’est à travers cette BD, mise en ligne en 2017, que bon nombre de personnes ont, pour la première fois, entendu parler de cette fameuse « charge mentale ».

Ressentir une surcharge organisationnelle.

S’occuper des enfants, gérer les tâches domestiques, faire ses comptes, tout en étant efficace au travail… cette énumération pourrait tenir lieu de définition synthétique de la charge mentale. Toutefois, dans « La charge mentale des femmes…et celle des hommes »2), la psychiatre Aurélia Schneider insiste sur le fait que « la charge mentale n’est ni un cumul ni une (simple) addition de tâches ; ce n’est pas non plus vivre deux journées en une seule. C’est le fait de coexister dans deux mondes à la fois et pas seulement l’un après l’autre ».

Autrice de « J’arrête d’en faire trop » (éditions Kennes), sa consœur psychiatre Caroline Depuydt le résume ainsi : « La charge mentale, ce sont toutes ces activités que nous avons en tête et qui ne nous laissent pas de répit. C’est le fait de ressentir une surcharge organisationnelle. C’est par exemple penser aux enfants alors qu’on est au travail ».

Un poids supporté en majorité par les femmes

La charge mentale se conjugue majoritairement au féminin. Avant de devenir une expression populaire ces dernières années, ce fut une notion développée en sociologie dans les années 80, notamment dans le cadre des travaux de recherche de Monique Haicault qui s’intéressait à « la double journée de femmes en activité » (3)

Des décennies plus tard, le travail domestique et la gestion des enfants incombent toujours davantage aux femmes qu’aux hommes. En 2010, les femmes effectuaient 71 % des tâches ménagères et 65 % des tâches parentales, selon l’Insee. A l’époque, elles consacraient chaque jour 1h40 de plus que les hommes aux travaux domestiques.

Une enquête réalisée par l’Insee au printemps 2020, après le premier confinement, montre qu’aujourd’hui encore, les femmes continuent de pâtir d’une répartition des tâches au sein du couple fortement inégalitaire. Ce qui impacte l’équilibre entre leur temps professionnel et leur temps personnel, au risque d'accroître la charge mentale qu’elles subissent.

« La charge mentale est féminine. Mais les hommes n’y échappent pas non plus. Ils sont notamment victimes du fait que la société valorise le culte de la performance », tempère Caroline Depuydt, également directrice médicale adjointe d’un groupement d’hôpitaux psychiatriques en Belgique.

La charge mentale des aidants

9,3 millions de Français déclarent être proches aidants, c’est-à-dire « apporter une aide régulière à un proche en situation de handicap ou de perte d’autonomie », que ce soit dans les activités du quotidien, en tant que soutien moral ou financièrement. Entre 55 et 64 ans, une personne sur quatre est concernée.Les aidants qui doivent concilier l’accompagnement de leur proche avec leur activité professionnelle, quand ils sont encore en emploi, ainsi que leur vie familiale, personnelle, etc. peuvent aussi être victimes d’une charge mentale trop lourde.

Un facteur de stress qui peut mener au burnout, à la dépression…

Née en sociologie, la charge mentale doit-elle seulement être perçue comme un phénomène de société ? « On peut la rapprocher du médical, du psychologique et du psycho-pathologique parce qu’elle va générer du stress. Le stress aigu est une réaction physiologique du corps, une sorte de "fuite en avant". Mais il est censé s’arrêter », répond Caroline Depuydt.

Quand la charge mentale subie au quotidien devient trop lourde, ce stress s’installe. « Le stress aigu devient chronique. Ainsi, la conséquence d’une charge mentale trop élevée va être un épuisement qui peut conduire à un burn-out professionnel, à un burn-out parental, à une dépression… », met en garde la psychiatre.

Repérer les signaux d’alerte

En prévention, il convient d’être à l'affût des signaux qui avertissent d’une charge mentale trop importante. « Irritabilité, fatigue, émotions qui vous débordent…L’accumulation de signes physiques, mentaux et émotionnels est un signal d’alerte. Attention aussi aux symptômes qui perdurent dans le temps, comme le fait de ressentir de la fatigue pendant plusieurs semaines », décrit Caroline Depuydt.

Activer plusieurs leviers pour réduire la pression

Pour inverser la vapeur, plusieurs leviers peuvent être activés. On peut agir individuellement, à son niveau, estime Aurélia Schneider. Dans son ouvrage (2), la psychiatre donne des conseils pratiques à travers sa « règle des 7D ».

Agir à son niveau : la règle des 7D du Dr Aurélia Schneider

1) Discerner….les composantes de sa charge mentale : Faire une did list « la liste la plus exacte et précise de toutes les choses effectuées dans une journée » afin d’objectiver les tâches effectuées au quotidien. A l’inverse, une to do list (liste des tâches à accomplir) peut être source de stress.

2) Diminuer la tyrannie des « il faut… je dois… ».

3) Déprogrammer…des tâches, en déculpabilisant.

4) Déconnecter : « Portable, tablette, ordinateurs à la maison et au travail, la tentation d’être connecté est partout. Et cette connexion 24 heures sur 24, bien que stimulante et excitante, fragmente nos vies ».

5) Détente… par des exercices simples comme détendre ses maxillaires, faire la poupée de chiffon « vous fermez les yeux et entrouvrez légèrement la bouche, le maxillaire inférieur relâché. Puis, vous décidez de relâcher VOLONTAIREMENT la totalité de vos muscles » ou encore masser son visage (front, oreilles, cuir chevelu).

6) Douceur : se traiter amicalement et accepter les compliments, se récompenser, bien traiter son corps en pratiquant des activités physiques (yoga, Pilates, gymnastique douce avec des étirements, natation), etc.

7) Dansez maintenant ! En référence à la fable de La Fontaine « La cigale et la fourmi ». « Vous commencez timidement à vivre un peu pour vous, à sortir de l’obligation de devoir et vouloir tout faire, tout prévoir, tout calculer ».

Source : « La charge mentale des femmes…et celle des hommes », Dr Aurélia Schneider (éditions Larousse)

Puisque la charge mentale est souvent liée à une mauvaise répartition des tâches dans le foyer, les spécialistes s’accordent aussi à dire qu’un rééquilibrage s’impose avec une plus grande participation des pères. Enfin, comme la charge mentale incorpore la plupart du temps une composante professionnelle, des mesures doivent également être prise dans le cadre du travail.

Cela passe notamment par une meilleure écoute des besoins des travailleurs, estime l’ergonome Lisa Jeanson qui a mené un travail de recherche sur la charge mentale au travail dans l’industrie automobile. « Le travail doit s’approprier les problématiques liées à une meilleure conciliation entre vie privée et vie professionnelle, en prenant en compte le télétravail et le fait que les nouvelles générations bousculent les codes. Il est important de recentrer les organisations sur les besoins de la femme et de l’homme ».

En d’autres termes, c’est aussi en améliorant le bien-être au travail que l’on allègera la charge mentale des femmes…et des hommes.

La charge mentale au travail : histoire et définition

Dans les années 80, la sociologie s’est emparée de la notion de charge mentale pour traduire la situation de femmes qui devaient allier travail et tâches domestiques. Mais auparavant, cette expression avait déjà fait irruption dans l’environnement professionnel.« Le terme est utilisé dans le cadre du travail, en ergonomie, depuis les années 60 quand on a commencé à s’interroger sur la charge mentale des pilotes et des contrôleurs aériens car la sécurité dépend de leur vigilance », explique l’ergonome Lisa Jeanson, docteure en ergonomie.La spécialiste distingue trois composantes de la charge mentale au travail.

  • la charge cognitive : « ce que je dois faire par rapport à ce que je sais faire »
  • la charge psychique : « l’impact que le travail a sur moi en fonction de mon état affectif, de mon vécu, de mon éducation… »
  • la pression temporelle : « le temps dont je dispose pour effectuer mon travail, sachant que ma disponibilité sera limitée si j’arrive au travail avec des préoccupations personnelles ».

« En cas de déséquilibre entre ces trois composantes, le risque est de faire des erreurs et de voir son bien-être se dégrader », met en garde la spécialiste.

(1) La bande dessinée « Fallait demander » est aujourd’hui intégrée dans « Un autre regard 2 », Emma (Massot éditions).

(2) La charge mentale des femmes…et celle des hommes », Dr Aurélia Schneider (éditions Larousse).

(3) Haicault Monique. « La gestion ordinaire de la vie en deux ». In : Sociologie du travail, N°3, 1984

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