La fatigue est un processus normal, une sensation physiologique, qui fait suite à un mauvais sommeil, une activité intellectuelle importante ou encore un effort physique excessif. Elle peut se manifester après une affection ou un autre problème de santé. Elle se traduit par une baisse d’énergie significative et disparaît en principe assez rapidement.
« Si au bout d’une à deux semaines, elle persiste ou s’accentue, s’accompagne d’autres symptômes (douleurs musculaires, difficultés de concentration…), alors on considère qu’elle est anormale et pathologique », souligne le docteur Alaa Ghali, médecin interniste au CHU d’Angers. On parle alors d’asthénie. Quand cette durabilité dépasse les six mois, la fatigue est dite chronique. Ses causes sont diverses et s’expliquent.
La fatigue chronique peut avoir une origine infectieuse après la contamination par un virus ou des substances toxiques comme en cas d’hépatite. Elle peut aussi être l’une des conséquences d’une maladie neurologique, comme la sclérose en plaques, ou d’une maladie endocrinienne, comme l’hypothyroïdie (1).
La fatigue chronique peut également être en lien avec une atteinte ou une insuffisance cardiaque, avec un cancer, des troubles du sommeil (apnée du sommeil par exemple), avec une maladie métabolique (2) telle que le diabète ou la malnutrition. Elle peut être associée à une maladie psychiatrique comme la schizophrénie. Par ailleurs, elle peut se manifester en cas de dépression ou encore d’anxiété. Les addictions (tabac, alcool…) peuvent en être la cause ainsi que les maladies auto-immunes (3) comme le lupus.
La fatigue chronique peut également s’installer en cas de pathologie inflammatoire chronique comme la maladie de Crohn qui touche le tube digestif. Dans ces divers scénarii, les patients se sentent en général déprimés, tristes. Ils éprouvent un manque de tonus permanent, des troubles de la concentration, des migraines ou encore des douleurs articulaires et musculaires.
L’Assurance maladie indique qu’entre 10 à 25 % des personnes qui consultent un médecin généraliste se plaignent d’être toujours fatiguées. 6 à 7 % voient le médecin essentiellement pour ce motif. Les femmes sont davantage concernées. Le médecin va alors effectuer des examens pour définir les causes de cette fatigue chronique et orienter vers un traitement ou un spécialiste en fonction des résultats.
« On va alors agir sur l’origine pour toucher par ricochet la fatigue. Par exemple, on donnera du fer au patient fatigué si c’est une anémie (4) qui en est la cause », poursuit le docteur Alaa Ghali. L’activité physique douce et progressive est préconisée en cas de fatigue chronique pour retrouver l’énergie et le bien-être intérieur.
La fatigue chronique n’a rien à voir avec le syndrome de fatigue chronique (SFC), nommé aussi « encéphalomyélite myalgique/syndrome de fatigue chronique » (EM/SFC), maladie invalidante dont l’origine reste mal connue et comprise. « C’est le terme le plus utilisé pour désigner cette affection. Il permet d’éviter la confusion », observe le médecin interniste. « On devrait plutôt parler de syndrome d’épuisement chronique », ajoute Isabelle Fornasieri, vice-présidente de l’Association française du syndrome de fatigue chronique.
En effet, l’EM/SFC se traduit par une fatigue sévère, un épuisement total. « C’est comme si la batterie affichait en permanence entre 5 et 30 % des capacités », témoigne Isabelle Fornasieri. A la différence de la fatigue chronique, l’encéphalomyélite myalgique est difficile à diagnostiquer et ses causes restent opaques. Elle touche quatre femmes pour un homme. Elle peut aussi affecter les plus jeunes mais cela reste moins fréquent.
L’EM/SFC survient souvent à la suite d’une infection liée, entre autres, à une bactérie ou un virus (par exemple la mononucléose). « Il peut être aussi consécutif à un choc traumatique ou émotionnel. Certains considèrent que c’est psychosomatique (5). C’est une erreur », précise le docteur Ghali. L’EM/SFC s’accompagne de malaise post-effort, c’est-à-dire d’un pic d’épuisement avec exacerbation de tous les symptômes. « Il survient à retardement, soit une heure ou plus après l’effort ou même le lendemain ».
Cette affection provoque des troubles cognitifs (mémoire, concentration, parfois de la désorientation…). « Certains patients parlent de brouillard cérébral ». Les troubles du sommeil, non-réparateur, en sont aussi le signe. « Et on va, entre autres, observer une incapacité à rester debout, une intolérance à la lumière, ainsi que des troubles cardiaques comme les palpitations… », ajoute le praticien.
Annick* souffre depuis dix ans du syndrome de fatigue chronique. Elle a ressenti ses premières fatigues sévères après une grippe. Son quotidien est bouleversé. « Tout épuise. La vie familiale, sociale et professionnelle est impactée. Vous ne pouvez plus tenir de discussion, travailler comme avant… Quand vous avez l’impression que ça va un peu mieux, vous vous emballez, heureux de reprendre un semblant d’existence, mais vous le payez cher en retour ».
Le repos ne régénère pas pour autant. « Les batteries ne se rechargent pas. Il faut tout programmer et anticiper pour s’économiser. L’idée n’est pas de gagner de l’énergie mais de ne pas en perdre ». Beaucoup de patients vivent dans l’errance médicale avant que ne soit diagnostiqué la maladie, quand elle est reconnue comme telle et non pas vue comme une dépression ou de la somatisation. « C’est terrible d’entendre dire : c’est dans votre tête ! », se désole Annick.
Cette dernière déplore les préjugés que la maladie engendre : « On pense que l’on ne veut pas bouger par manque de volonté. Mais on voudrait tellement le pouvoir ». Aucun traitement efficace n’existe pour soigner le SFC. Bien que la prise en charge de certains symptômes puisse améliorer un peu la qualité de vie. « La majorité des malades pratiquent le pacing. C’est efficace, sans effets secondaires, ni contre-indications ».
(*) Le prénom de la patiente a été modifié à sa demande.
Le docteur Ghali soutient que l’activité physique n’est pas une solution appropriée pour traiter l’encéphalomyélite myalgique. « On a cru à tort que cela améliorait l’état de santé des patients. C’est l’inverse. On ne doit pas oublier que nous sommes face à de l’épuisement et une forte perte d’énergie. On fait en fonction de ses moyens. Si je peux marcher 10 minutes, j’en effectue 9 puis je m’arrête ».
Le « pacing » est la méthode la plus adaptée pour optimiser les ressources d’énergie dans le cas d’un EM/SFC. Le concept consiste à trouver l’équilibre entre le repos et l’activation. Par exemple, si le patient a l’habitude de se doucher et de se laver les dents d’une traite avant de s’habiller, mais que cela l’épuise, il doit fractionner ses gestes et s’organiser. Il se douche, se repose, puis se lave les dents. Il peut aussi se doucher le soir pour limiter la toilette du matin.
Le pacing est aussi recommandé dans le traitement du Covid long. « L’EM/SFC se rencontre fréquemment dans le syndrome post-Covid-19 », souligne le médecin interniste. L’autogestion du rythme d’activité est applicable à la fatigue chronique post infectieuse.
(1) Les maladies endocriniennes touchent différentes glandes (thyroïde, hypophyse…) qui libèrent alors trop ou pas assez d’hormones dans l’organisme. L’hypothyroïdie est l’incapacité de la thyroïde à produire suffisamment d’hormones.
(2) Une maladie métabolique est un trouble qui affecte les métabolismes dans la cellule, en particulier la production d’énergie.
(3) Le système immunitaire s’attaque aux cellules de l’organisme et les détruit.
(4) L’anémie se caractérise par une baisse anormale du taux d’hémoglobine dans le sang. Ses causes sont diverses. La carence en fer est la plus fréquente.
(5) L’esprit se sert du corps pour s’exprimer et le corps somatise.
Derrière les termes de fracture de fatigue, aussi appelée fracture de stress, se cache une lésion osseuse. Elle est consécutive à la sollicitation intense et récurrente du membre blessé. L’os est alors mis à rude épreuve. Il est fissuré et non pas rompu comme cela est le cas d’un traumatisme dû à un choc ou à un coup.
La fracture de fatigue survient plus fréquemment sur le tibia et le pied et touche surtout les grands sportifs, que ce soient les athlètes de haut niveau ou les particuliers qui pratiquent une activité physique régulière.
Une douleur ou/et un gonflement du membre affecté caractérise cette fracture. Il est alors recommandé de rester au repos, d’apposer de la glace sur la fracture si un œdème s’est formé, de maintenir le membre lésé en position surélevé, d’effectuer de la kinésithérapie. La chirurgie est très rare en l’espèce.
Merci pour votre article. Comment faire pour faire comprendre à notre entourage que cette maladie est invisible mais que nous en souffrons beaucoup. Quand on parle de notre épuisement on nous répond mais nous aussi on est fatigué !!!!
Mais il y a une différence entre fatigué et épuisement….
Merci d’en parler…..
Bonjour à tous … Je souffre de SEP (diagnostiquée en 2003) actuellement sans symptômes visibles pour l’entourage et sans handicap moteur mais une fatigue chronique est bien là …. effectivement, le caractère invisible peut être difficile à vivre car l’entourage ne peut pas le comprendre puisqu’ il associe la fatigue a ce qu’elle a d’habituel et récupérable avec du repos alors que la fatigue chronique, au contraire, ne lui est pas corrélè. Vivant seule depuis 2012 et ayant pu prendre ma retraite à 62 ans en 2019, j’ai la possibilité à 65 ans de gérer mes efforts et donc, j’assure sans avoir besoin de personne ; j’ai une vie sociale très riche que je régule selon mes possibilités ; c’est parce que j’ai la main sur mes activités que tout se passe bien… sinon, cela aurait pu devenir un enfer par rapport aux exigences de l’entourage (familial et professionnel) qui vous voyant sur vos pieds n’a aucune idée de ce que vous vivez.
Les maladies invisibles, on commence à en parler mais elles mériteraient d’être mieux reconnues et expliquées.
Bonjour,
Merci pour cet article où je m’y reconnais.
Depuis une douzaine d’années, je connais une fatigue chronique. Ce n’est pas toujours facile d’en parler même aux professionnels médicaux, médecins, psy.
Les analyses ne révélaient aucune maladie ou carence.
Et puis j’ai fait des insomnies où il manquait 3 heures de sommeil toutes les nuits. J’ai connu différentes périodes plus ou moins importantes d’insomnie. Mais là ça durait dans le temps (entre 1 à 2 ans).
Mes différentes démarches pour régler ce problème m’ont emmenaient à suspecter un TDAH (non diagnostiqué). Une homéopathe m’a parlée de la méthode Quertant. Cette méthode est un training, une pédagogie réeducative du système nerveux central.
Aujourd’hui après 22 mois de suivis, les insomnies sont rares, je retrouve la concentration et l’attention, j’oublie beaucoup moins de choses, j’ai beaucoup moins d’impulsivité, ce n’est plus un moulin dans ma tête, et pour en revenir au thème de l’article moins de fatigue avec un sommeil qui commence à être réparateur.