Emploi dans le numérique : pour les femmes aussi

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Par Alexandra Luthereau

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De nombreuses associations se mobilisent pour sensibiliser les femmes aux opportunités des métiers du numérique et les encourager à embrasser ces carrières.

En ce dernier jour de l’année scolaire, la quinzaine de collégiennes et lycéennes du programme Wifilles promotion 2019 reçoit leur « diplôme », lors d’une cérémonie organisée au EdFab de Saint-Denis (93). « Nous aussi, les filles, on peut être des geeks ! », affirme au micro une des Wifilles qui a suivi ce programme d’un an, créé par la fondation Agir contre l’exclusion (Face). Objectif : faire découvrir l’univers du numérique et ses métiers à des collégiennes de Seine-Saint-Denis.

Cette année encore, le programme a été riche : visite d’un fablab et d’un data center, initiation au code, rencontre de professionnelles dans des entreprises ou encore découverte de l’école 42 pendant une semaine. Elles ont également réfléchi à la conception de produits ou services numériques innovants. Certaines ont même créé un jeu en ligne en langage Python. Comme quoi, les jeunes filles sont tout aussi douées pour les métiers techniques que les garçons. Mais les chiffres sont têtus.

27 % de femmes dans le numérique

D’après une étude de juin 2018 du Syntec numérique, les femmes occupent seulement 27 % des postes dans le secteur du numérique. Sur les fonctions plus pointues, de développeuse par exemple, elles ne sont guère plus de 15 %. Non seulement « les femmes sont sous-représentées dans ces métiers, mais en plus le secteur suscite peu d’intérêt de leur part », explique Samia Ghozlane, directrice de la Grande école numérique (GEN). C’est un réseau de 750 formations du numérique qui favorisent l'inclusion, accessibles à tous.

Plusieurs raisons expliquent la présence réduite des femmes dans le numérique et l’informatique, secteur où elles étaient pourtant très présentes dans les années 50/60 : méconnaissance de l’étendue des métiers, stéréotypes liés aux informaticiens et aux geeks, formations jugées trop masculines et compétitives… De plus, les métiers du numérique sont considérés comme désincarnés, alors qu’« il est démontré que les femmes choisissent une orientation en fonction du sens qu’elles y trouvent », souligne Samia Ghozlane.

190 000 postes non pourvus en 2022

Pourtant, le numérique est riche en opportunités. Professionnelles d’abord. Selon un rapport de France Stratégie et de la Dares, 50 000 postes étaient non pourvus en 2015. Ils seront environ 190 000 en 2022, si rien ne change. Par ailleurs, les salaires et les possibilités d’évolution dans le secteur sont importants. Sans compter que, tous les secteurs d’activité sont (ou seront) impactés par le numérique. Demain, ces compétences seront donc indispensables.

L’accès des femmes aux fonctions numériques est aussi un enjeu sociétal. « Si 90 % des technologies sont développées par des hommes, cela ne reflète pas la société », explique Samia Ghozlane. Et cela implique des biais. « Promouvoir la mixité dans la conception et le développement de nouveaux services numériques permet d’adapter les usages, de nourrir la créativité et de rendre les femmes actrices, plutôt que simples utilisatrices ».

« Il faut donc donner du sens à ces métiers, faire témoigner des rôles-modèles. Il faut montrer que le numérique est dans tous les secteurs d’activités, que les femmes y ont leur place, que les opportunités professionnelles y sont intéressantes, qu’il n’y a pas de chômage dans ces métiers. Il faut créer des formations bienveillantes, "women friendly" », résume la directrice de la GEN.

« Ce n’est pas comme j’imaginais »

Clara Sid-Ahmed est une Wifille. Avant d’intégrer le programme, elle ne connaissait pas le secteur du numérique. « Ça ne me parlait pas », confie-t-elle. Cinq mois plus tard, son regard a changé. « Avec Wifilles, j’ai découvert des métiers et appris plein de choses. Ce n’est pas comme j’imaginais. Ça m’a donné envie de me diriger vers ça ». Quand on demande à Trinity Zheng et Rym El Gouizzi, toutes deux âgées de 15 ans, ce qu’elles ont particulièrement aimé cette année, elles répondent en chœur : « L’École 42 ! ». « C’était super d’apprendre le code », précise Rym, qui s’imagine bien monteuse ou travailler dans le design graphique.

Femmes en reconversion professionnelle

LDigital œuvre en région Auvergne-Rhône-Alpes en fédérant écoles, institutionnels, région, entreprises aussi. La fondation va à la rencontre des filles et des femmes, de la maternelle à l’université pour les sensibiliser aux opportunités du numérique et montrer des rôles-modèles féminin du secteur.

Cependant, « nous n’avons pas vocation à mettre en avant des stars du numérique comme Shéryl Sandberg (directrice des opérations de Facebook, N.D.L.R.), prévient Béryl Bès, déléguée générale de LDigital. Mais plutôt des femmes “normales” dans lesquelles d’autres femmes peuvent se projeter. Il faut montrer que c’est accessible ». Autre cible de LDigital : les femmes en reconversion professionnelle. Pour ce public, la fondation organise régulièrement des Digital Dating, pour faire se rencontrer demandeuses d’emploi et recruteurs.

D’autres associations encore, à l’instar de Girlz in web ou Girls in tech, travaillent à rendre visibles les femmes expertes du numérique afin d’encourager la mixité dans le milieu. Et faire de la « geekette » une figure ordinaire. En 2018, une cinquantaine d’associations* se sont réunies sous la démarche Femmes@Numérique, soutenue par le gouvernement et de nombreuses entreprises réunies en fondation. Dotée d’un budget, Femmes@Numériques entend donner à la mobilisation de tous ces acteurs une ampleur nationale et de couvrir tous les territoires. Chiche !

* Femmes@Numérique a été initiée par 6 associations : l’AFMD, la CGE, le Cigref, Talents du numérique, Social Builder et Syntec Numérique. Elle est soutenue par un collectif de plus de 30 associations œuvrant pour la mixité dans les métiers du numérique.

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