Le nudge, qui signifie « coup de pouce », désigne un outil discret conçu pour modifier les comportements. Il peut s’agir de marches d’escaliers peintes comme les touches d’un piano, pour inciter les voyageurs du métro de Stockholm à délaisser les escalators et à pratiquer un peu d’activité physique, ou encore d’assiettes de cantine plus petites pour limiter les portions de nourriture et éviter le surpoids. Les nudges sont de petits signaux qui tentent de changer nos habitudes sans que l’on y prête une attention particulière.
Cette approche est née dès les années 2000, mais son origine est plus ancienne. Depuis, les nudges fascinent et ils sont utilisés dans de nombreux domaines : le marketing bien sûr, mais aussi dans les politiques publiques. « Ils sont très séduisants de prime abord, et ils coûtent peu chers », explique Henri Bergeron, sociologue à Sciences Po Paris, directeur de recherche au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et co-auteur du Biais comportementaliste, paru aux Presses de Sciences Po en 2018.
Or, leur utilisation pose des questions sur leur caractère éthique, et ce particulièrement dans le domaine de la santé. « Les nudges utilisés à des fins de prévention santé par exemple constituent-ils une forme de manipulation acceptable ou pas ? », interroge Henri Bergeron. Certes, ils sont censés défendre une bonne cause : adopter les bons comportements pour rester en bonne santé le plus longtemps possible. « Mais qui définit le bien public ? », questionne le spécialiste. D’autres critiques pointent l’aspect paternaliste ou infantilisant de ces outils. Enfin, ils ne prennent pas en compte certains aspects qui influent sur les décisions comme les conditions socio-économiques de vie de certaines populations.
Quant à l’efficacité des nudges, elle est variable. « Pour fonctionner, ils doivent agir à votre insu », précise Henri Bergeron. Une fois que l’on a découvert le mécanisme, la magie disparaît et les effets peuvent se dissiper. Leur durabilité dans le temps est donc limitée.
Par ailleurs, l’aspect émotionnel semble jouer. Selon une étude française*, un outil comme le Nutriscore – qui évalue la qualité nutritionnelle d’un produit via un code couleur (de vert à rouge) apposé sur l’emballage– serait moins efficace pour faire changer nos comportements alimentaires que les incitations au plaisir de manger.
Tout n’est cependant pas à jeter. « Les nudges sont des outils complémentaires, considère le directeur de recherche. Ils peuvent être utiles pour apporter un plus au sein d’une politique globale de prévention en santé, qui prend notamment en compte tous les déterminants sociaux de la santé. »
* méta-analyse réalisée par l’Institut européen d’administration des affaires de Fontainebleau