Que faire contre le harcèlement scolaire ?

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Par Angélique Pineau-Hamaguchi

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On reparle du harcèlement scolaire à chaque fois qu’un drame survient. Mais il fait de nombreuses autres victimes, tout au long de l’année. 6 à 10 % des élèves seraient touchés en France.

Qu’est-ce que le harcèlement scolaire ?

Il se définit comme des violences répétées (verbales, physiques ou psychologiques) par un ou plusieurs élèves à l’encontre d’un camarade. Celui-ci peut être insulté, menacé, bousculé et même battu parfois. Entre 800 000 et 1 million d’enfants en seraient victimes chaque année1. Avec des conséquences qui peuvent être lourdes : perte de confiance en soi, phobie scolaire, dépression qui peut mener jusqu’au suicide.

Le harcèlement scolaire repose souvent sur le rejet de la différence et la stigmatisation de certaines caractéristiques comme l’apparence physique, la timidité, le handicap, l’orientation sexuelle supposée, des centres d’intérêt originaux…

« Je préfère le terme d’intimidation à celui de harcèlement scolaire. Il rend compte de la notion de crainte, qui est systématique. Et le harcèlement renvoie davantage à une violence adulte, ce qui n’est pas tout à fait la même chose », confie Jean-Pierre Bellon, professeur de philosophie qui a cofondé le Centre de ressources et d’études systémiques contre les intimidations scolaires (ReSIS).

Qu’est-ce que le cyberharcèlement ?

Avec le développement d’internet, ces intimidations peuvent se poursuivre après l’école, notamment sur les réseaux sociaux. On parle alors de cyberharcèlement. Il peut se pratiquer via les messageries instantanées, chats, jeux en ligne, emails… Un collégien sur 4 en aurait déjà été victime1, un phénomène en hausse ces dernières années.

Les jeunes filles seraient particulièrement visées, notamment à travers le « sexting » (contraction de « sex » et de « texting » en anglais) qui consiste à envoyer des messages ou des photographies sexuellement explicites. Le cyberharcèlement peut aussi prendre la forme du « revenge porn ». À travers cette « vengeance pornographique », il s’agit de rendre publiques des photos ou vidéos (souvent après une déception amoureuse), réalisées avec ou sans l’accord d’une personne et bien sûr diffusées sans son consentement.

Comment détecter le harcèlement scolaire ?

Le harcèlement scolaire peut toucher n’importe quel élève. « Aucun établissement, aucune région, aucune catégorie socioprofessionnelle n’est épargné aujourd’hui », insiste un rapport d’information du Sénat, publié en 20211.

Au sein de la famille comme à l’école, certains signes peuvent alerter : l’attitude d’un enfant qui a changé (renfermement, agressivité, angoisses), son discours, ses notes, des traces de coups… « Le premier indice est sans doute la perte des amis, leur prise de distance », souligne Jean-Pierre Bellon, également coauteur de Harcèlement scolaire : le vaincre c'est possible2.

Être à l’écoute de ces différents signaux aide à déceler le harcèlement dès les prémices pour briser le silence. Car rares sont les victimes qui osent en parler spontanément à leurs parents ou à un enseignant, un surveillant… Par honte, par peur des représailles, pour ne pas inquiéter leur entourage ou encore parce qu’elles se sentent responsables. « Il convient d’abord d’être rassurant, sans culpabiliser ni chercher à minimiser les faits. L’enfant doit sentir qu’il peut compter sur l’adulte, qu’il va l’aider à résoudre le problème », ajoute Jean-Pierre Bellon.

Un quiz pour savoir si l’on est victime

Suis-je vraiment harcelé(e) ? Il est parfois difficile de répondre avec certitude à cette question. Or, mettre un mot sur ce que l’on vit est parfois le premier pas vers une prise de conscience. L'association E-enfance 3018 met à disposition sur son site internet un « harcèlomètre » pour évaluer la situation en deux minutes.

Pour cela, l’enfant (ou son parent) répond « jamais », « de temps en temps » ou « très souvent » à quelques affirmations simples comme « J’ai peur d’aller à l’école », « Je mange seul à la cantine », « Je reçois des messages menaçants sur Internet »… avant d’obtenir un avis assorti de conseils.

Comment réagir ?

En tant que parents, si vous pensez que votre enfant est victime de harcèlement scolaire, n’essayez pas d’intervenir par vous-même en allant voir l’auteur présumé ou sa famille. « Cela ne ferait qu’aggraver la situation. C’est à l’école d’agir », insiste Jean-Pierre Bellon. Il faut donc en parler à la direction.

Depuis 2021, il existe un programme de lutte contre le harcèlement à l’école (pHARe) qui vise à constituer et à former une équipe dans chaque établissement scolaire, pour prévenir et traiter les situations de harcèlement. Généralisé aux écoles primaires et aux collèges en 2022, il a été étendu aux lycées depuis la rentrée 2023. Il s’appuie également sur un réseau de 400 référents harcèlement en France, en soutien aux chefs d’établissement (trouver le numéro pour connaître les référents de son académie).

Si vous êtes perdu(e) et ne savez pas à qui vous adressez, sachez qu’il existe un numéro vert unique dédié au harcèlement scolaire et au cyberharcèlement : le 30183. Il est destiné aussi bien aux élèves, aux parents qu’aux professionnels, à la fois pour s’informer et alerter. Gratuit, anonyme et confidentiel, le 3018 est disponible 7 J/7, de 9 heures à 23 heures. Il est également possible de télécharger l’application mobile du même nom pour échanger avec les écoutants4.

Que faire en cas de cyberharcèlement ?

La plupart des réseaux sociaux (Facebook, Instagram, Snapchat, X…) permettent de signaler des contenus ou commentaires qui s’apparentent à du harcèlement. Vous pouvez aussi appeler le 3018, le numéro vert consacré au harcèlement scolaire et au cyberharcèlement. Les écoutants ont le pouvoir de contacter directement les plateformes pour faire retirer de façon accélérée les contenus jugés illicites voire supprimer des comptes préjudiciables. Dans tous les cas, gardez bien des traces de ces messages.

Par ailleurs, si les auteurs de ces cyberviolences sont des élèves de l’établissement scolaire de votre enfant, là encore tournez-vous vers la direction de l’école.

Ce que dit la loi

Vous avez également la possibilité de porter plainte en cas de violences graves. « Mais je le conseille plutôt en dernier recours, précise Jean-Pierre Bellon. Car c’est s’exposer à un éventuel classement sans suite, ce qui serait encore plus traumatisant pour la victime comme pour sa famille. Le juge a besoin d’éléments tangibles pour condamner. Or parfois les preuves font défaut. »

Depuis 2022, le harcèlement scolaire est reconnu comme un délit5 inscrit dans le code pénal. Son auteur, s’il a plus de 13 ans, peut être sanctionné par des mesures à vocation éducatives et/ou des peines. Ces dernières dépendent de la gravité des faits et de l’âge du « harceleur ». S’il est mineur, il risque jusqu’à 5 ans de prison et 7 500 euros d’amende en cas de suicide ou de tentative de suicide de la victime. C’est jusqu’à 10 ans de prison et 150 000 euros d'amende s’il est majeur.

À noter : la loi estime qu’un mineur de moins de 13 ans « n’est pas capable de discernement ».

1 Source : rapport d'information du Sénat Harcèlement scolaire et cyberharcèlement : mobilisation générale pour mieux prévenir, détecter et traiter (septembre 2021).

2 Publié aux éditions ESF Sciences humaines en 2021.

3 Avant la rentrée 2023, le 3018 était dédié uniquement au cyberharcèlement.

4 Disponible sur Google Play et App Store.

5 Loi du 2 mars 2022 visant à combattre le harcèlement scolaire.

Par Angélique Pineau-Hamaguchi

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  • harcelement

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