Fresque du climat : un million de personnes sensibilisées

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Alexandra Luthereau

Temps de lecture estimé 6 minute(s)

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© Alistair Berg

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Créés en 2015, les ateliers de la Fresque du climat ont l’objectif d’expliquer en trois heures les grands principes des mécanismes du dérèglement climatique. Objectif : faire prendre conscience de l’urgence climatique et favoriser l’action.

Est-ce que la fonte des glaciers est la cause ou la conséquence de l’élévation des océans ? Quels dégâts provoque l’agriculture ? A quoi sont dues les hausses de températures à l’échelle de la Terre ? C’est à toutes ces questions que la Fresque du climat aide les participants à répondre.

Le principe de ces ateliers collectifs est simple : un groupe d’une dizaine de personnes doit relier 42 cartes entre elles pour schématiser les liens de causes à effets concernant des mécanismes à l'œuvre dans le réchauffement climatique. Chacune des cartes décrit un phénomène comme, par exemple, « activités humaines », « énergies fossiles », « agriculture », « fonte de la banquise » ou encore « perturbation du cycle de l’eau », en s’appuyant sur des éléments d’informations (données, chiffres, graphiques etc) issues des rapports du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat). Une fois toutes les cartes posées à plat sur une table, elles forment une… fresque. C’est la fresque du climat.

Ludique et accessible

Ces ateliers, sous forme de jeu, ont été imaginés en 2015 par Cédric Ringenbach, enseignant et conférencier sur le changement climatique, auparavant directeur du think tank Shift project, afin de créer plus de dynamisme lors de ses exposés, favoriser les échanges et in fine la prise de conscience.

Après avoir peaufiné le concept et le jeu, il crée l’association la Fresque du climat en 2018. L’objectif de l’ingénieur est de sensibiliser des personnes (les « fresqués »). Puis, à leur tour, ceux qui le souhaitent, vont devenir des animateurs bénévoles de fresques (les « fresqueurs ») pour former d’autres individus, et ainsi de suite.

Les ateliers animés par des bénévoles rencontrent très rapidement le succès. Parce qu’ils sont ludiques, bienveillants et accessibles au plus grand nombre. Ils sont généralement gratuits ou contre participation libre, souvent comprise entre 5 et 15 euros. Des fresques payantes sont aussi proposées aux salariés dans les entreprises, lesquelles financent dès lors l’association.

La Fresque du climat présente dans 132 pays

Aujourd’hui, le jeu est traduit dans 45 langues et est exporté dans 132 pays. Des ateliers sont organisés quasiment tous les jours aux quatre coins de la France, en ville comme à la campagne, au sein d’associations, de bibliothèques, de commerces engagés, ou encore dans les mairies, des tiers-lieux (des espaces partagés où les personnes réalisent des projets ensemble), dans des entreprises ou pendant des festivals…

Les ateliers sont non seulement faciles d’accès, mais ils reposent aussi sur la bienveillance et le non jugement. Après avoir franchi le million de personnes sensibilisées, la fresque du climat vise désormais le million d’animateurs. On en dénombre aujourd’hui 45 000, dont 36 000 en France et 9 000 à l’étranger.

« Une claque »

Marc Bresson, apiculteur amateur dans le Rhône, Michaël Neuman, avocat à Paris et Magali Lacôte, cadre à Lyon, déjà sensibilisés sur l’écologie, ont participé à leur première fresque pour « mieux comprendre » le réchauffement climatique dont « on entend parler tout le temps, sans toujours savoir ce que c’est précisément ».
L’effet de leur première fresque ? Une « claque » répondent à l’unisson Marc Bresson et Michaël Neuman. « J’ai réalisé comment cela bouleverse déjà notre quotidien ou la biodiversité par exemple. Et comment ces premières conséquences vont en créer d’autres avec le dégel du permafrost ou la fonte de la banquise, explique l’avocat. En fait, tous ont pris conscience de « l’ampleur du phénomène » et de « sa gravité ».

« Pour éviter la dépression, il faut aller vers l’action »

Cette expérience les incite d’abord à changer certains de leurs comportements. « J’étais flexitarien (végétarien occasionnellement consommateur de viande, ndlr), je suis désormais végétarien. Et j’ai décidé de ne plus prendre l’avion », explique Michaël Neuman. Magali Lacôte entame sa « conversion » : elle circule davantage à vélo plutôt qu’en voiture, elle réduit de façon drastique sa consommation de viande, et celle de sa famille, elle essaie de réduire ses déchets etc.

Tous les trois décident aussi d’agir collectivement, en devenant animateurs de la Fresque du climat, comme environ un participant sur dix à chaque atelier, selon les observations. « On dit que si 10% de la population est convaincue, cela donne la force de faire basculer les choses. J’ai eu envie de participer à ce mouvement-là, de diffuser ces informations », argumente l’avocat. « Pour éviter la dépression, il faut aller vers l’action », abonde Marc Bresson.

Mur des solutions

En pratique, la fresque se déroule en trois étapes : le jeu en tant que tel, un moment d’échange entre les participants sur leurs ressentis et un temps dédié à ce que l’on peut faire. Cette dernière partie dépend de chaque animateur. Ainsi, d’une fresque à l’autre, le vécu ne sera pas le même. Magali Lacôte propose notamment une approche « sur les ordres de grandeurs », pour montrer que l’on peut agir chacun à notre échelle.

En clair, elle explique par exemple les conséquences pour les populations d’une hausse des températures de 1.5, 2 ou 4 degrés en France et dans le monde. Ou encore, elle compare l’impact carbone de chaque mode de transport ou de la consommation de viande par rapport à celle de protéines végétales. « On ne peut pas tout changer du jour au lendemain. Avec ces ordres de grandeur, je montre ce qui pèse le plus comme changement, pour aider à prioriser les actions », commente-t-elle.

Pour Michaël Neuman, cette troisième partie est également essentielle. Il fait ce qu’il appelle « le mur des solutions » : chacun est invité à dire ce qu’il faudrait changer au niveau individuel ou au niveau collectif. Je demande aussi aux personnes de prendre un engagement si elles le souhaitent ».

Des réactions différentes selon les participants

Bien entendu, tous les participants ne réagissent pas de la même manière. Certains en sortent déprimés, quand d’autres ne savent pas comment agir... D’ailleurs, il n’existe pas d’étude d’impact concernant ces ateliers.

Autre limite : de nombreux participants sont déjà sensibilisés au sujet. Comment dès lors aller vers des personnes plus éloignées des questions sur l’environnement ? Des « fresqueurs » organisent des ateliers auprès de populations des quartiers populaires ou dans les entreprises, pour toucher un maximum de personnes. A qui le tour ?

Les fresques « amies »

Les « fresqués » qui veulent aller plus loin sont invités à consulter d’autres ressources suggérées par les animateurs ou à participer à des fresques dites « amies ». Celles-ci traitent de thématiques précises et reposent sur le même principe de jeu collaboratif à partir de données scientifiques. Il existe des fresques consacrées à la biodiversité, la mobilité, les forêts, l’alimentation, le football (!) etc. Toutes sont répertoriées sur le site collaboratif le wiki du climat.

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