Narcolepsie : des crises de sommeil irrépressibles

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Sandrine Letellier

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Piquer du nez en plein jour, brutalement, n'importe où, sans pouvoir résister au sommeil… La narcolepsie est une maladie neurologique rare, encore sous-diagnostiquée, mais très invalidante. Aussi est-il essentiel de consulter.

Qui n'a pas déjà expérimenté une envie de dormir plus ou moins pressante après le déjeuner ou dans l'après-midi ? Le problème semble en apparence anodin puisque souvent causé par des nuits trop courtes et peu réparatrices. Mais il peut aussi être le signe d'une pathologie, la narcolepsie, appelée également maladie de Gélineau, du nom du médecin Jean-Baptiste Gélineau, qui l'a décrite en 1880.

Qu'est-ce que la narcolepsie ?

« Il s'agit d'un trouble du sommeil chronique rare qui touche en France 0,03 % de la population, soit environ 30 000 personnes, indique le Dr Morgane Lacour, neurologue spécialisée en pathologies du sommeil au CHU de Rouen. L'errance thérapeutique peut malheureusement être très longue, certains patients mettant en moyenne 8 ans pour obtenir un diagnostic. » Une situation d'autant plus regrettable que la narcolepsie - qui peut apparaître aussi bien dans l'enfance, à l'adolescence ou à l'âge adulte - a un retentissement sur tous les aspects de la vie personnelle, professionnelle, sociale et familiale.

Ainsi, à l'école, face à l'enfant qui s'endort sur sa table ou lutte en s'hyperactivant pour rester éveillé, on ne pense pas forcément à la maladie. Pourtant, la narcolepsie perturbe la scolarité des élèves atteints (problèmes de concentration, fatigue, décrochage scolaire…). Plus tard, elle peut même donner lieu, selon son degré de sévérité, à une Reconnaissance de la Qualité de Travailleur Handicapé (RQTH), les endormissements soudains empêchant de travailler « normalement ». Sans compter les conséquences dangereuses liées à certaines activités comme conduire, prendre un bain…

Des symptômes communs aux deux types de narcolepsie

« Toutes les personnes narcoleptiques trouvent peu de repos la nuit car l'architecture de leur sommeil est altérée, avec une arrivée trop précoce du sommeil paradoxal et une instabilité du sommeil, explique le Dr Lacour. Cette pathologie du système nerveux central se manifeste par une somnolence diurne excessive. Des accès de sommeil peuvent survenir à tout moment de la journée, même en plein milieu d'une activité. Pour autant, il faut distinguer deux types de narcolepsie : la narcolepsie de type 1, la plus fréquente, et la narcolepsie de type 2. »

La narcolepsie de type 1

La somnolence diurne excessive s'associe à des épisodes de cataplexie, soit une perte brutale du tonus musculaire, partielle ou totale, souvent déclenchée par des émotions fortes (colères, fous rires…). Il peut s'agir d'un simple affaissement de la mâchoire, du cou ou de la tête ou de l'ensemble du corps.

On observe aussi d'autres symptômes comme des hallucinations à l'endormissement ou au réveil et des paralysies du sommeil de quelques secondes à quelques minutes, mais pouvant occasionner des crises de panique. De fait, la personne est allongée dans son lit avec la sensation d'être paralysée.

La narcolepsie de type 2

La narcolepsie de type 2 présente les mêmes symptômes, excepté les crises de cataplexie.

Quelles sont les causes de la narcolepsie ?

Les raisons de la narcolepsie sont de mieux en mieux connues, mais restent encore floues. On sait néanmoins qu'elle est liée à une diminution typique, voire à un effondrement d'un certain type de neurones, les neurones dits à hypocrétine (ou orexine). Ces neurones sont situés dans l'hypothalamus, une partie du cerveau qui joue un rôle de chef d'orchestre pour de nombreuses fonctions, notamment la régulation de la veille et du sommeil. Or, les personnes souffrant de narcolepsie de type 1 enregistrent une chute importante de ces neurones à hypocrétine.

« Les hypothèses de recherche actuelles évoquent une origine immunologique et des prédispositions génétiques à la disparition de ces neurones, souligne le Dr Lacour. Ainsi, on a plus le risque de développer une narcolepsie lorsqu'un membre de notre famille en est déjà atteint. Mais d'autres causes peuvent être à l'origine de symptômes mimant la narcolepsie comme un traumatisme crânien, une tumeur, un stress émotionnel intense (deuil, séparation…) sont également mis en cause, comme un stress émotionnel intense (deuil, séparation…). »

Des examens à réaliser dans un centre du sommeil

La narcolepsie peut être confondue avec d'autres pathologies, comme les apnées du sommeil ou des crises d'épilepsie en cas de cataplexie (perte brutale du tonus musculaire). Aussi est-il demandé au patient de remplir un agenda de sommeil sur quelques semaines. Il y notera les moments d'endormissement et de sommeil, les réveils nocturnes et les périodes de crises de sommeil diurnes.

En cas de suspicion de narcolepsie, divers examens sont à réaliser dans un centre du sommeil. Il s'agit notamment d'un enregistrement polysomnographique (enregistrement d'une nuit de sommeil), suivi, le lendemain, d'autres tests, les tests itératifs de latence d'endormissement (TILE), qui servent à évaluer plus précisément les tendances du sommeil observé.

« On peut parfois proposer aussi une ponction lombaire pour doser l'hypocrétine dans le liquide céphalorachidien afin de déterminer si on est présence d'une narcolepsie de type 1, précise le Dr Lacour. Mais, au final, les traitements seront sensiblement les mêmes. »

Peut-on guérir de la narcolepsie ?

Lorsque les symptômes miment une narcolepsie mais sont dus à une autre cause, comme une tumeur, on peut en guérir. « En revanche, il n'existe actuellement aucun traitement pour guérir de la narcolepsie de type 1, affirme le Dr Lacour. Mais une prise en charge symptomatique permet de préserver au maximum la qualité de vie des patients. Cette prise en charge repose sur la mise en place de mesures spécifiques d'hygiène de sommeil, mais aussi d'hygiène alimentaire, associées à la prise de médicaments ciblés. »

De fait, le début de la maladie peut s'accompagner d'une prise de poids parfois conséquente. Aussi est-il important d'opter pour une alimentation adaptée. Il est indispensable également de prendre soin de son sommeil. Plus précisément, conserver des horaires de sommeil réguliers, éliminer les sources de perturbations du sommeil (exposition prolongée aux écrans, repas trop lourds…) et programmer des siestes de courte durée chaque jour. Ces mesures permettent d'améliorer l'efficacité des traitements médicamenteux.

« Ils reposent sur des traitements dits « éveillants », les neurostimulants, comme le modafinil, le méthylphénidate ou le pitolisant, note le Dr Lacour. En cas de cataplexie, des antidépresseurs peuvent aussi contribuer à réduire les crises. » Un suivi régulier est nécessaire en raison de possibles effets secondaires, comme des troubles de l'humeur ou encore une augmentation de la tension artérielle, liés à ces prescriptions.

Aménager la conduite automobile à la maladie

Tout conducteur atteint de narcolepsie peut constituer un danger pour lui-même et les autres usagers de la route. Il doit prendre rendez-vous avec un médecin agréé par sa préfecture afin de certifier que malgré sa maladie, un traitement lui permet de circuler sans représenter de danger.

Un certificat d'aptitude à la conduite lui est alors remis pour une période de 1 à 3 ans, selon les cas, et au regard des résultats du test de maintien d'éveil (TME) réalisé sous traitement et d'un courrier du spécialiste du sommeil attestant de la bonne observance du traitement « éveillant ».

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