Plasma sanguin : pourquoi la France doit augmenter les dons

Publié le

Pauline Hervé

Temps de lecture estimé 5 minute(s)

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Plasma sanguin : pourquoi la France doit augmenter les dons © Vladimir Vladimirov

Aujourd'hui, 65% du plasma destiné aux malades français provient de l'étranger. L’Établissement français du sang, chargé de la collecte, veut changer la donne pour redonner à la France plus de souveraineté sanitaire, tout en respectant ses principes de don éthique, volontaire et gratuit.

Sensibiliser les donneurs potentiels

Si l’Établissement français du sang (EFS) se félicitait récemment des niveaux corrects des réserves de sang en France cette année, le constat n'est pas le même concernant les dons de plasma.

A l'heure actuelle, seul 35% du plasma utilisé dans l'Hexagone pour en faire des médicaments (voir encadré) proviennent des dons français. Le reste est importé majoritairement des États-Unis.

Après le choc de la crise du Covid, et face aux pénuries actuelles de médicaments, les autorités sanitaires ont pris conscience de l'enjeu de la souveraineté nationale en matière de santé. Aussi l'EFS a-t-il lancé en 2022 un grand « plan plasma ». Son objectif est de récolter, dans les 5 ans, 1,4 million de litres de plasma par an, ce qui représentera à cette échéance 700 000 prélèvements supplémentaires chaque année.

A quoi sert le don de plasma ?

Le plasma est la partie liquide du sang dans laquelle circulent les cellules sanguines (globules rouges, globules blancs et plaquettes). Il contient des protéines, comme les immunoglobulines (également appelées anticorps) qui jouent un rôle dans le système de défense de l’organisme. Elles servent à fabriquer des médicaments pour les patients en réanimation, immunodéprimés dont les défenses immunitaires sont amoindries, porteurs de maladies auto-immunes ou encore hémophiles qui ont des troubles de la coagulation. Les dons de plasma faits en France sont envoyés au Laboratoire français des biotechnologies, organisme public, qui les transforme en médicaments.

Chaque année, le don de sang incluant du plasma « permet de soigner 1 million de personnes », indique François Toujas, président de l’Établissement français du sang (EFS). Les médicaments dérivés du plasma, eux, permettent de soigner quelques dizaines de milliers de Français par an, précise Jean-Philippe Plançon, président de l'Association contre les neuropathies périphériques qui accompagne ces personnes.

Pour donner votre plasma, vous devez avoir entre 18 et 65 ans et peser plus de 55 kilos. Le nombre de dons est limité en France à 24 par an. Trouvez une collecte proche de chez vous sur cette carte de l'EFS.

Objectif : trouver de nouveaux donneurs

Pour parvenir à son objectif, l’EFS doit sensibiliser de nouveaux donneurs. Une campagne de communication nationale est prévue en juillet et à la rentrée. L'EFS va aussi proposer de nouveaux lieux de collecte – actuellement, celle-ci ne se pratique que dans les maisons du don.

Ainsi, elle a ouvert dans les Hauts-de-France un lieu dédié uniquement à la collecte de plasma. « Il s’agit d’une expérience pilote unique sur le territoire national, qui pourra être reproduite si le modèle fonctionne bien », précise le Dr Cathy Bliem, directrice générale de la Chaîne Transfusionnelle, Thérapies et Développement à l'EFS.

En effet, si une partie du plasma provient des dons de sang total (classiques), une autre est collectée par plasmaphérèse. Ce procédé consiste à prélever le sang, le centrifuger pour n'en conserver que le plasma et restituer au donneur les globules et plaquettes. « Ce type de prélèvement, qui fournit actuellement 300 000 litres de plasma par an, doit augmenter considérablement »estime le Dr Bliem. Mais cela nécessite des équipements spécifiques, qui ne sont pour le moment disponibles que dans 90 centres en France.

Garantir l’accès aux médicaments dérivés du plasma

Une nouvelle usine de fabrication des médicaments issus du plasma est en cours de construction à Arras. Elle devrait permettre de doubler, voire tripler les capacités actuelles du Laboratoire français des biotechnologies. « A quoi cela va-t-il servir d’avoir une usine performante si l'on ne récolte pas assez de plasma, sa matière première ? » questionne Jean-Philippe Plançon, président de l'Association contre les neuropathie périphériques. « Nous, patients, constatons depuis des années des pénuries de nos traitements », ajoute-t-il. Sans compter le fait que la demande en immunoglobulines (anticorps) a beaucoup augmenté ces dernières années.

L'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) s'est d'ailleurs inquiétée en 2021 de ces tensions d'approvisionnement et a recommandé aux soignants de bien hiérarchiser les besoins des patients. C'est pourquoi l'association de Jean-Philippe Plançon milite pour que les autorités « mettent enfin les moyens » dans la collecte de plasma. Il ajoute « avoir très envie de croire dans ce plan plasma. Mais cela ne fonctionnera qu'avec un appui financier fort de l'Etat ».

Préserver et diffuser un modèle éthique du don

La dépendance envers l'étranger en matière de plasma n'est pas une exception française. Toute l'Europe y fait face. La Commission européenne travaille actuellement à une révision de sa législation sur les dons de tissus, de sang et de cellules humains. Les règles en la matière ont en effet été établies il y a plus de 20 ans.

Dans les faits, les pratiques de dons sont laissées à l'appréciation de chaque État (don rémunéré ou pas, encadrement...). L'Europe souhaite les harmoniser. Dans le cadre de ces travaux, la France veut faire entendre sa voix pour, « promouvoir, plus que jamais, le modèle éthique du don de sang, sans aucune marchandisation » selon l'EFS. « Il y a un défi d'approvisionnement en plasma, mais cela ne peut pas se résoudre au détriment de l'éthique du don et du respect du volontariat », martèle François Toujas.

A titre d'exemple, aux États-Unis, une personne peut donner son plasma, contre rémunération, 100 fois par an, contre 24 en France où le don est gratuit. Ce n'est pas la qualité des médicaments issus du plasma qui est mise en cause. En effet, le plasma importé « est transformé en France selon un protocole précis et la sécurité des médicaments qui en sont issus est garantie », précise la Dr Pascale Richard, directrice médicale de l'EFS.

« On peut imaginer un entre-deux », précise Jean-Philippe Plançon. « Il nous faut absolument considérer la question de l’incitation, si nous voulons élargir le nombre de donneurs de plasma. Aujourd’hui donner son plasma prend 1h30 contre quelques minutes pour le sang total et il faut se déplacer souvent assez loin. Il faut donc au moins viser la neutralité financière pour le donneur voire un forfait proportionné au regard des contraintes que pose le don. »

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