Petit parasite, gros dégâts. La punaise de lit est de retour, et en recrudescence en France depuis dix ans. Et si elle ne présente pas de risque de maladie grave, ses infestations peuvent avoir des conséquences psychologiques souvent ignorées et sous-estimées. Des conséquences qui peuvent aller jusqu’au syndrome de stress post-traumatique.
« La punaise de lit a la particularité de rentrer doublement dans notre intimité, explique le Dr Pascal Delaunay, entomologiste médical au CHU de Nice. On a tous des lieux dans notre vie ou l’on peut lâcher prise. C’est souvent le cas du logement, en particulier le lit et le canapé. Or ce parasite infeste les deux. Très vite, pour une grande part de la population, c’est une idée insurmontable. »
Dans le cadre de ses consultations, le Dr Delaunay prend en charge, y compris psychologiquement et par l’hypnose, les patients touchés. « Même si on répond à leur souffrance techniquement, en les éradiquant dans le logement, une partie de la population reste dans l’anxiété et la certitude qu’il y a encore des punaises de lit. J’ai eu envie d’aller plus loin pour soigner aussi ce type de personnes. »
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C’est ce qu’a vécu Anne-Cécile, à Londres, en 2015. Quand cette trentenaire découvre une nuit des insectes dans son lit, elle en sourit presque. « J’ai lu sur Internet que les dommages les plus importants étaient psychologiques, je ne voyais pas comment de si petites bêtes pouvaient causer tout cela ! ». Malgré une première intervention de désinfestation, elle entre dans le cycle infernal.
« Le professionnel m’a dit qu’il fallait que je reste dans mon logement pour attirer les punaises, pour être « un appât vivant ». Cette idée était une horreur pour moi… Nuit et jour j’étais en alerte. Je ne pouvais pas dormir, je me réveillais toutes les demi-heures pour les écraser, j’avais mis de l’adhésif double face autour de mon lit… J’étais censée tenir trois semaines, en fin de compte cela a duré six mois. J’ai appris un peu plus tard que tout l’immeuble était infesté ! J’ai fini par craquer nerveusement. »
La jeune femme entre alors dans une phase de dépression, avec attaques de panique, trous de mémoire, incapacité totale à agir, cauchemars, peur de sortir… Quelques semaines après, un médecin la reçoit et la dirige vers des psychothérapeutes. Diagnostic : « stress post-traumatique au plus haut niveau », se souvient-elle.
Cela n’étonne pas le Dr Delaunay, qui explique : « Chez les personnes victimes de punaises de lit, on distingue deux phases durant lesquelles on peut avoir besoin d’aide psychologique. Pendant l’infestation, il faut les aider techniquement et médicalement mais aussi les rassurer, surtout quand on lit partout sur Internet qu’on ne peut pas s’en sortir. Ce qui est faux. C’est là que s’installent les troubles traumatiques chez certaines personnes. Ils peuvent disparaître avec l’élimination des punaises.
Chez d’autres, l’infestation est terminée mais ils n’arrivent pas à l’accepter. À six mois de distance de l’événement, si la peur et les réflexes sont toujours là, c’est un état de stress post-traumatique. Ils ont des cauchemars, des « reviviscences », des stratégies de contournement, ils ne voient plus personne, ne sortent plus.
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Dans les deux cas, pour s’en sortir il est important de chercher de l’écoute et de ne pas rester isolé. « Pour s’informer, je recommande de se limiter au site officiel du gouvernement, qui donne les informations nécessaires », conseille le Dr Delaunay.
Dans chaque CHU, on trouve un service de parasitologie. « Ils s’y connaissent en insectes de la santé humaine. Il ne faut pas hésiter à s’orienter vers eux puis vers un psychothérapeute si nécessaire. » Ou tout simplement partager son expérience.
C’est ce qui a aidé Jean-Charles, qui a fait face à une infestation de punaises de lit lorsqu’il était étudiant au Québec « J’ai eu la chance d’avoir des colocataires qui avaient déjà vécu cela et n’avaient aucune honte à en parler. On a pu en rire, dédramatiser. Et le service de décontamination m’a rapidement persuadé que cela pouvait se régler simplement, sans insecticide et en étant un peu patient. Cela m’a beaucoup aidé à ne pas paniquer ».
Les punaises de lit se nourrissent uniquement de sang et particulièrement du sang humain. C’est pourquoi elles se plaisent dans les lits, canapés, fauteuils… Surtout actives la nuit, elles se reproduisent abondamment (200 à 500 œufs par mois par femelle). Et elles sont capables de rester jusqu’à deux ans sans se nourrir.
En France, elles ont infesté 400 000 sites au moins en 2018, selon les chiffres de la Chambre syndicale de désinfection, désinsectisation et dératisation (CS3D).