Violences en ligne : comment protéger les enfants et les ados

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Par Alexandra Luthereau

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Enfant devant ordinateur © Getty Image

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Les violences en ligne - comme le cyberharcèlement, les contenus choquants, les arnaques, les violences à caractère sexistes et sexuels - sont en hausse ces dernières années. Notamment parce que les enfants vont sur Internet de plus en plus jeunes et qu’ils y passent de plus en plus de temps. L’éducation aux usages du numérique mais aussi à la vie affective et sexuelle sont donc plus que jamais nécessaires.

Les premiers pas des enfants sur Internet se font de plus en plus tôt. À 5 ans et 10 mois en moyenne avec leurs parents, puis seuls à partir de 6 ans et 10 mois d’après les chiffres de l’Association e-Enfance/3018 (1). 67 % des 8-10 ans sont inscrits sur les réseaux sociaux (2), alors même que les conditions d’utilisation des réseaux sociaux interdisent leur accès aux moins de 13 ans. Par ailleurs, le temps passé sur le web a fortement augmenté depuis la crise du Covid.
Tout cela concourt à une plus grande exposition et donc à des risques plus importants. « Sauf que les enfants ne sont pas assez préparés aux usages du numérique », pointe Samuel Comblez, directeur des opérations de l'Association e-Enfance/3018.

La moitié des jeunes ont déjà fait de mauvaises rencontres sur Internet


Si le web est un formidable endroit pour s’informer, échanger, assouvir sa soif de connaissances, comme tout espace public, Internet présente des dangers. 46 % des jeunes déclarent avoir subi un piratage de leurs comptes ou de données personnelles sur les réseaux sociaux. 52 % ont déjà fait de mauvaises rencontres sur Internet. 44 % se sont déjà sentis agressés par des contenus choquants. 39 % disent avoir été victimes d’arnaques. Et un jeune sur cinq a déjà subi du cyberharcèlement (3).
D’un côté, des parents qui ne surveillent pas toujours, voire ne savent pas ce que font exactement leurs enfants sur Internet pour 83 % d’entre eux. De l’autre, des enfants qui ne sont pas éduqués au web. Pour prévenir des dangers en ligne, il faut donc à la fois informer les parents et les enfants. Mais pas seulement. « Tous les professionnels en lien avec des enfants, comme les coachs sportifs, les enseignants, les animateurs de centres de loisirs et de vacances doivent être sensibilisés », souligne Samuel Comblez.

Sensibiliser les professionnels en lien avec les enfants


La France s’y est pris tard mais la prise de conscience est désormais bel et bien présente. « L’Éducation nationale a mis en route des programmes de formation pour ses professionnels. Des formations commencent à être menées dans le cadre du sport », continue-t-il. Par ailleurs, des ateliers de sensibilisation sont régulièrement organisés dans les établissements scolaires par des associations comme e-Enfance/3018 pour aller à la rencontre des jeunes.
L’idée est de les informer sur les dangers mais aussi de leur donner des outils pour s’en prémunir. Sur ce dernier point, il y a un « travail considérable à mener, pointe le directeur des opérations de l’Association e-Enfance/3018. Ils ne savent pas quoi mettre en place pour que cela n’arrive pas ». Même chose pour les parents, ils sont très demandeurs de moyens et de ressources pour accompagner leurs enfants.

3 000 Promeneurs du Net dans toute la France


Pour être au plus près des jeunes, là où ils passent de plus en plus de temps, la CAF de la Manche a lancé en 2012 le dispositif des Promeneurs du Net (PDN), importé d’une initiative suédoise. L’idée étant que des professionnels de l’éducation (animateurs, éducateurs, professionnels en centre social, foyer de jeunes…) assurent une présence « dans la rue numérique », que sont Internet et les réseaux sociaux. Et ce, pour être en contact avec les jeunes, les informer, répondre à leurs questions. « Nous sommes des sortes de Vigies sur Internet », commente Yann Le Gall, responsable des PDN de la Manche.
Aujourd’hui, on compte 3 000 Promeneurs du Net dans toute la France, présents sur Instagram, Snapchat ou Facebook. Au quotidien sur le web, ces professionnels, postent des informations, proposent des événements dans leurs structures pour parler des usages numériques notamment et répondent aux messages privés (MP) des jeunes, mais aussi des parents, avec qui ils sont en contact.
Si un problème est détecté, comme un comportement inapproprié ou des propos haineux sur les réseaux sociaux par exemple, les PDN les contactent pour leur proposer une rencontre en face-à-face.

Le 3018, un numéro d'appel gratuit contre le cyberharcèlement


Malheureusement, la prévention ne suffit pas toujours. Avec sa ligne d’écoute joignable au 3018 et via son service de tchat (site web et appli), l’Association e-Enfance/3018 informe et répond aux questions des jeunes, des parents et des professionnels 7 jours sur 7, de 9 heures à 23 heures, gratuitement et de façon confidentielle. Ces professionnels (juristes, psychologues…) interviennent également dans le cas de faits de violences en ligne. Grâce à ses partenariats avec 17 opérateurs en Europe (TikTok, Facebook…), les écoutants peuvent demander la suppression immédiate de comptes ou de contenus. Ces contenus illicites sont systématiquement signalés sur la plateforme gouvernementale Pharos.
Entre janvier et septembre 2023, plus de 11 000 comptes/contenus ont été supprimés, ce qui représente une hausse de 190 % par rapport à la même période en 2022. De plus, en fonction des besoins, les écoutants orientent également les jeunes et les parents vers les structures (Maisons des adolescents, Point Accueil Écoute Jeunes…), dispositifs et autres professionnels où ils pourront être pris en charge sur la durée.

Les jeunes filles, particulièrement touchées


Parmi les victimes des violences en ligne, les jeunes filles sont surreprésentées, en particulier s’agissant des violences à caractère sexuel (revenge porn, comptes ficha…) et du cyberharcèlement.
Face à l’augmentation accélérée des comptes Fisha (affiche, en verlan) dès le premier confinement lié au Covid, des femmes féministes ont créé l’association Stop Fisha en 2020 pour traquer et signaler ces comptes, diffusés par exemple sur Telegram, sur lesquels sont diffusées des images à caractère sexuel de jeunes femmes, pour la plupart mineures, sans leur consentement et sur lesquelles apparaissent leurs noms âge, adresse, établissement scolaire et numéro de téléphone.
En plus de cette mission de signalement de contenus illicites, l’association propose un soutien aux jeunes filles et des conseils juridiques. Il suffit pour cela d’un clic ou d’un email.
Cette surreprésentation des filles chez les victimes de violences sexistes et sexuelles, en appellent à un renforcement de l’éducation à la vie affective et sexuelle. « Sans sensibilisation au consentement, à l’égalité femmes hommes, des jeunes pensent que les relations entre les femmes et les hommes reposent sur un rapport dominant-dominé et d’emprise », commente Samuel Comblez.
L’Éducation nationale prévoit trois séances chaque année pour chaque niveau de classe, du CP à la terminale. Sauf qu’aujourd’hui très peu d’établissements respectent cette obligation, faute de moyens mais aussi de volonté de la part des chefs d’établissement.

 

1. Enfants et numérique : Comment les nouveaux parents, « digital natives », se conduisent face aux premiers pas de leurs enfants en ligne ?, étude réalisée par Harris Interactive en février 2023 pour L’Association e-Enfance/3018 et Google.
2. 3e édition de l’étude annuelle sur le cyberharcèlement menée par l’Association e-Enfance/3018 avec la Caisse d’Épargne, parue en octobre 2023.
3. 2e édition de l’étude annuelle sur le cyberharcèlement menée par l’Association e-Enfance/3018 avec la Caisse d’Épargne, réalisée par l’institut Audirep du 18 mai au 3 juin 2022 par internet auprès de 1 209 jeunes âgés de 18 à 25 ans.
 

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