100 milliards de vêtements sont vendus chaque année dans le monde selon l’Ademe. Plus de 12 kg de vêtements par an pour un Européen. Avec l’avènement de la fast-fashion (« mode jetable ») et ses tee-shirts à 5 €, leur production a tout simplement doublé entre 2000 et 2014. On achète désormais deux fois plus qu’il y a 15 ans tout en les conservant moins longtemps. Certains habits sont même portés moins de 5 fois avant d’être jetés.
Or, l’industrie textile est l’une des plus polluantes au monde. Sans compter la production de matières premières (39,7 millions de tonnes de polyester en 2015), ou la consommation d’eau (7 500 litres d’eau pour fabriquer un jean), 1,2 milliard de tonnes de gaz à effet de serre est produit par l’industrie du textile, tous les ans, selon l’Ademe. Un chiffre en constante hausse.
Avec plus de 75 millions de travailleurs à travers le monde, cette industrie a aussi des conséquences sociales désastreuses : exploitation des femmes et des enfants, salaires précaires et conditions de travail déplorables. La fabrication bon marché favorise la délocalisation des grandes entreprises dans les pays les plus pauvres (le Bangladesh enregistre 17 % de son PIB grâce au textile, avec le salaire le plus bas au monde – 32 centimes de dollars par heure).
Auteure de « Mon dressing heureux », Céline Séris s’est demandé comment son sweat était fabriqué, pour finalement très vite comprendre le désastre écologique et humain qui se cachait derrière la fast-fashion.
Pour consommer plus éthique et réduire son impact sur l’environnement, elle nous donne des solutions simples et faciles à adopter au quotidien.
« La pire des habitudes, c’est d’acheter sans en avoir besoin », assure Céline Séris. La sortie shopping est devenue une norme sociale à laquelle il est difficile de déroger. D’autant que l’industrie de la mode nous pousse à l’achat permanent : la publicité, les campagnes marketing, le renouvellement incessant des collections (certaines enseignes renouvellent leurs collections plus de 20 fois par an) nourrissent cette envie de nouveauté. Il est désormais question « d’acheter pour suivre la tendance puisque les grandes marques nous montrent ce dont on a besoin, ce dont on a envie ». Un cercle vicieux qui nous habitue à un monde où tout est jetable : la durée de vie des habits a été réduite de moitié ces quinze dernières années, selon une étude de la société de conseil McKinsey.
Pour autant, s’habiller est un rituel essentiel de notre quotidien : « le vêtement est extrêmement personnel, il est un moyen de s’exprimer, une manière de parler de soi, un message personnel que l’on souhaite renvoyer aux autres », assure Céline Séris.
Alors, plutôt que de craquer, il faut réfléchir à son achat. « Est-ce que cette pièce parle de moi ou est-ce que j’essaye de correspondre à une tendance ? Est-ce que je vais la garder longtemps ? Est-ce que je vais pouvoir la porter avec mes autres vêtements ? Et surtout, en ai-je vraiment besoin ? », questionne Céline Séris. Car avant d’essayer de consommer mieux, il faut avant tout consommer moins.
« Choisir la seconde main est une excellente idée parce qu’on ne produit pas davantage et parce que le vêtement a déjà eu une première vie », affirme Céline Séris. En optant pour l’occasion, on réduit ainsi son impact, on fait des économies et on a de fortes chances de tomber sur des trésors.
Aujourd’hui, il est devenu facile de se vêtir grâce à la seconde main :
Mais attention toutefois à ne pas tomber dans les travers de la fast-fashion : « c’est tellement facile et peu cher qu’on en vient à consommer, consommer, consommer », alerte Céline Séris.
Si vous optez pour le neuf : privilégiez les marques éthiques. « Elles proposent un nouveau modèle, un modèle plus durable, qui n’exploite ni l’humain, ni la planète », explique Céline Séris. Ainsi, face aux scandales de la fast-fashion (comme lors de l’effondrement de l’usine textile Rana Plaza au Bangladesh), de nombreuses marques
s’engagent pour une mode respectueuse et éco-responsable. Depuis 2019, Thomas Huriez, co-fondateur de la marque 1083, propose des jeans 100 % recyclés, 100 % recyclables et consignés. « Nous avons créé un jean infini, un jean entièrement en polyester recyclé (en bouteille plastique) ». Car quitte à acheter un nouveau vêtement, préférez les matières naturelles (laine, lin, chanvre), les fibres recyclées ou le coton biologique, moins consommateur d’eau et de pesticides.
Alors qu’il est normalement la pièce la plus polluante à fabriquer (notamment à cause de la technique du sablage), 1083 propose « d’éliminer la poubelle ». Pour être certain qu’en fin de vie, le jean usé soit recyclé, « on le consigne », explique Thomas Huriez, « avant de le fondre pour refaire un fil puis pour refaire un jean », détaille-t-il. Leur mission : amener chacun à produire et consommer dans l’économie circulaire, afin de « boucler la boucle ».
Pour trouver plus d’adresses, Le générateur de marqu’Iz de Céline Séris (sur son blog Iznowgood) permet de trouver des marques éco-responsables en fonction de vos goûts.
« Ce n’est pas facile de reconnaître un vêtement éthique et responsable, notamment à cause du green washing », dénonce Céline Séris. « Le green washing consiste à tromper le consommateur en utilisant sa volonté de mieux faire, de mieux consommer. Ce dernier pense être dans une démarche responsable alors qu’en fait : non », définit-elle.
C’est le plus souvent le fait des grandes multinationales qui, par leurs activités, polluent le plus. Pour redorer leur image et suivre un marché qui s’oriente de plus en plus vers l’écologie, elles vont tâcher de « blanchir » leur image (d’où le terme, green washing).
Ces entreprises vont ainsi mettre en lien leur action marketing, leur communication avec l’écologie, elles vont utiliser des arguments environnementaux pour séduire et vendre davantage. « On va mettre des feuilles sur le packaging, utiliser un lexique « nature », on va créer des games de prêt-à-porter dites « responsables », ou « conscientes » qui en fait ne le sont pas », poursuit-elle.
Alors, pour ne pas se tromper, il faut repérer les écolabels. Il en existe plusieurs (comme l’Ecolabel européen, Ecocert Textile, Demeter, Gots ou BioRé) pour des vêtements plus responsables, certifiant qu’ils répondent à des exigences environnementales. « Dès que l’on peut, on se certifie », explique Thomas Huriez. « Ça permet de convaincre et rassurer le consommateur sur ce que l’on dit, sur ce que l’on vend. Plus on sera de marques à porter ces labels et plus ce sera compliqué, pour d’autres entreprises de tricher. Le but, c’est vraiment d’engager toute la filière à faire les choses bien », poursuit-il.
Pour vous aider et ne pas vous faire duper, l’Ademe propose un petit guide facile.
Consommer moins signifie aussi qu’il faut « garder ses vêtements le plus longtemps possible », explique Céline Séris. Pour cela, il faut faire attention à bien les entretenir en les réparant si un bouton saute, si une couture se découd, en minimisant la gravité d’une tache qui ne part pas.
D’autant qu’il faudrait laver moins souvent nos vêtements. En effet, le plus gros impact environnemental de la mode est lié au lavage de nos textiles. À cause de l’eau et de l’énergie utilisées d’une part, mais aussi de la pollution des eaux et des sols d’autre part. En tournant dans le tambour, nos habits libèrent des micro-particules de plastique qui finissent dans les océans. D’autant que les lessives peuvent être polluantes (et irritantes) quand elles contiennent des parfums ou des produits non dégradables comme les tensio- actifs. Il vaut donc mieux laver à basse température (30 °C) avec des lessives écolabellisées (ou faites maison).
« En dernier recours, quand vraiment vous ne voulez plus d’un vêtement, il ne faut jamais le jeter », insiste Céline Séris. Mieux vaut leur donner une seconde vie en les donnant, les échangeant ou en les vendant. Or, 80 % des textiles sont encore aujourd’hui mis à la poubelle et finissent par être enterrés ou incinérés.