Les 185 citoyens français tirés au sort ont commencé à plancher sur la fin de vie. Depuis le 9 décembre 2022 et jusqu’au 19 mars 2023, la Convention citoyenne se réunira à neuf reprises sur les bancs du Conseil économique, social et environnemental (Cese) pour répondre à la question suivante : « Le cadre d’accompagnement de la fin de vie est-il adapté aux différentes situations rencontrées ou d’éventuels changements devraient-ils être introduits ? ».
La question de la fin de vie s’est régulièrement invitée dans l’actualité ces derniers mois. « Pour autant, le rôle de la Convention citoyenne n’est pas de trancher le débat », estime Claire Thoury, présidente de son comité de gouvernance et docteure en sociologie.
Claire Thoury : Des rapports sur la fin de vie, il y en a eu beaucoup. On ne demande pas aux participants de cette Convention citoyenne de devenir des experts, mais d’apporter une réponse qui permettra d’éclairer la décision des parlementaires. Elle ne devra pas avoir peur d’exprimer les divergences qui seront apparues, car ce n’est pas une réponse consensuelle qui est attendue.
Au contraire, les dissensus devront être expliqués et posés de façon claire. Sur un sujet comme la fin de vie, il n’y a pas d’un côté les gens qui ont tort et de l’autre ceux qui ont raison. Il ne s’agit pas de convaincre l’autre, mais de cheminer ensemble, de débattre à partir de nos vécus et de nos expériences.
C. T. : En trois temps. D’abord une phase d’appropriation et de rencontre, qui a servi à poser le cadre. Puis une phase de délibération, de débats, et enfin une phase de restitution. Ces grandes étapes sont fixées, mais leur contenu se construit en fonction des demandes des citoyens. Parfois même jusqu’au dernier moment ! Nous restons à l’écoute de leurs requêtes pour organiser des auditions d’experts ou développer un point spécifique. Les participants font beaucoup de propositions, ils ont la possibilité de s’exprimer via une application, des questionnaires d’évaluations, une boîte à idées ou en contactant directement le comité de gouvernance.
C. T. : Pour moi, c’est exactement le format adapté à cette question. Cela fait des années qu’on réfléchit sur ce sujet, il y a eu des projets de loi, des débats, et ça n’a jamais abouti à quelque chose de satisfaisant. Cela montre qu’il faut peut-être organiser le débat ailleurs, avec d’autres gens, qui n’ont ni les mêmes intérêts, ni la même expertise. Et ce, afin d’envisager la fin de vie d’un point de vue sociétal et pas uniquement médical ou juridique.
C. T. : La Convention citoyenne n’est pas là pour mettre tout le monde d’accord, ni même pour arbitrer. Ce sera le rôle du décideur politique. Cette question est traversée par l’intime, elle mérite un débat apaisé. Même si à la fin, des décisions seront prises, qui ne pourront pas satisfaire tout le monde, il faut que toutes les personnes, les désaccords, aient pu s’exprimer.
C. T. : Oui, certains ont peur de ne servir à rien. Cependant, on a eu la chance de profiter des retours d’expérience de la Convention climat et on fait tout pour que les choses se passent différemment. Il faut surtout être clair sur les attentes et l’utilisation qui va être faite de ces travaux. Cette convention est une contribution à un débat national, mais il y a des gens avec un mandat d’élu qui décideront à la fin.
En revanche, on ne peut pas demander aux gens de donner 27 jours de leur vie sans tenir compte de ce qu’ils ont dit. S’il le faut, nous le rappellerons aux décideurs. Mais je suis convaincue que ce qu’il se passe à la Convention va considérablement influer sur la prise de décision.
C. T. : Les participants ont l’assurance que leur avis sera pris en compte car il va éclairer la décision publique. Mais ils ne savent pas si l’ensemble de leur travail sera repris, et ça ne me choque pas. J’ai beau organiser cette convention et y consacrer toutes mes journées, je garde en tête que des gens ont un mandat pour prendre la décision finale. Cela me paraitrait d’ailleurs problématique qu’un collectif de 185 personnes puissent décider seul de la fin de vie en France ! Tout comme cela me dérangerait fortement qu’ils ne soient ni entendus ni écoutés.
C. T. : Au niveau de la qualité des échanges, je suis vraiment bluffée ! Ce sont des gens qui ne se connaissaient pas au départ et qui livrent des choses très intimes, qu’ils ne racontent peut-être même pas à leurs proches. Le sujet de la fin de vie est bouleversant, et je trouve incroyable le respect et l’absence de tension qui ressortent des discussions. Je ne sais pas comment ça évoluera, mais les bases du débat sont vraiment apaisées.
C. T. : Ils remplissent un questionnaire d’évaluation à la fin de chaque session. Pour l’instant, les retours sont très bons, avec un taux de satisfaction autour de 95 %. On continue à adapter le dispositif en permanence. Par exemple, les participants ont demandé davantage de temps pour les questions-réponses avec les intervenants qui venaient leur parler durant la première phase. On s’est ajusté.
C. T. : Ils débattent et approfondissent les dix sujets prioritaires qu’ils ont identifiés et choisis par vote. A partir de ces thèmes, des sessions sont organisées. La semaine dernière par exemple (NDLR : du 6 au 8 janvier 2023) c’était sur les données de la fin de vie, la formation, l’aide active à mourir. La semaine suivante, ce sera le sujet des moyens alloués. Ils ont un maximum de temps pour échanger, débattre entre eux. Il faut que le temps laissé au cheminement de la réflexion soit long, que les controverses s’expriment. Un collectif d’animation et des facilitateurs graphiques se chargent d’animer ces séances.
C. T. : Aujourd’hui, on ne peut pas le savoir, même si cela va arriver très vite. Ce sont les participants qui décideront. Les étapes sont faites pour les amener petit à petit à cette restitution. Le comité de gouvernance va leur rappeler qu’ils ne doivent pas craindre d’exprimer les divergences. Je pense que ce qu’il faut éviter, c’est de rendre un énième rapport. Mais ça n’est que mon avis personnel.