Déconfinement : peut-on retrouver sa vie d’avant ? Le point avec le Dr Stéphane Clerget

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Après des semaines passées confinées à la maison ou en appartement, les familles vont-elles pouvoir reprendre le cours de leur vie, là où l’épidémie de Covid-19 l’avait arrêté ? Quelques éléments de réponse avec le Dr Stéphane Clerget, pédopsychiatre*.

Déconfinement : peut-on retrouver sa vie d’avant ?

Comment aborder un retour à la vie normale ?

Stéphane Clerget
Crédit photo : DR.

Stéphane Clerget : Le déconfinement sera progressif. On peut donc commencer à préparer les enfants, leur annoncer les limites qui seront imposées dans un premier temps : maintenir les « gestes barrière », la distanciation sociale, le port des masques sans doute. Il faut leur expliquer qu’on ne pourra pas inviter tous les copains, ni prévoir des retrouvailles familiales, ni même sans doute fêter leur anniversaire s’ils sont nés au mois de juin. Mais, préciser qu’on pourra se rattraper plus tard.

 

Faut-il reparler du confinement avec ses enfants ?

S.C : Il est important de les féliciter et de les remercier d’avoir bien supporté le confinement et de s’y être adaptés. J’ai constaté qu’ils étaient souvent moins anxieux et moins tristes que les adultes. De façon générale, ils ont réussi à mieux gérer leur agressivité. Et par leur bonne humeur, ils ont souvent été un soutien pour leurs parents.

C’est aussi l’occasion de parler des choses qui nous ont agréablement surpris, notamment la découverte de nouvelles activités comme la cuisine, la lecture, la couture, les travaux manuels, le jardinage…

Tout n’a pas été rose pour autant…

S.C : C’est vrai, dans certaines familles, il y a eu des disputes au sein du couple et entre parents et enfants. Il est important de laisser passer quelques semaines après le déconfinement pour y réfléchir. Ensuite seulement, les parents auront intérêt à dire comment ils ont vécu cette période, ce qu’ils ont compris de ces disputes, pourquoi ils ont pu être agressifs à certains moments…

Le mieux est de prendre du recul, puis d’en parler comme si on décrivait les relations entre les personnages d’un film et d’en débattre ensemble.

Les liens familiaux en ont-ils été modifiés ?

S.C : C’est indéniable. Un certain nombre de couples vont se séparer car le confinement a pu agir comme un révélateur. D’autres au contraire se sont consolidés, redécouverts, avec l’envie de profiter ensemble de leur vie de couple, de famille. Les liens entre parents et enfants se sont aussi souvent renforcés, tout simplement parce que les parents ont été plus disponibles et davantage présents. Il en restera forcément quelque chose de positif !

Cette crise sanitaire a-t-elle été vécue comme un traumatisme ?

S.C : Par quelques-uns seulement. Des enfants qui ont perdu un grand-parent par exemple peuvent, comme leurs parents, en garder une certaine culpabilité : imaginé l’avoir infecté, ne pas avoir été présent à ses côtés, ne pas avoir pu aller à l’enterrement ou au funérarium… D’autres ont vécu des moments d’angoisse en raison de l’hospitalisation d’un proche. Comme les attentats de 2015, cette épidémie du Covid-19 a fait naître chez certains, un sentiment de grande vulnérabilité.

Certains signes doivent-ils alerter ?

S.C : Si fin septembre, vous vous apercevez que vos enfants souffrent de troubles du sommeil, font des cauchemars, qu’ils n’ont pas de plaisir à sortir, à retrouver leurs copains, qu’ils ont des difficultés scolaires ou plus envie d’aller à l’école… cela pourrait être les premiers signes d’une dépression. Il faudra alors consulter son médecin. Si besoin, il vous orientera vers un psychologue ou un pédopsychiatre.

Après cette crise, peut-on parler de « nouveau départ » ?

S.C : Cette épidémie du Covid-19 a permis de changer son regard sur la vie. Nombre d’adolescents ont par exemple réalisé à quel point les relations en chair et en os sont importantes. Ils ont aussi appris à s’occuper autrement que via les écrans.

Quant aux adultes, cette crise leur a permis de se demander ce dont ils ont le plus besoin, ce qui est vraiment important à leurs yeux : profiter davantage de sa famille, changer de profession pour se sentir plus utiles… Il ne faut pas résister aux besoins de changement provoqués en nous par cette épidémie, il faut au contraire les accepter et réfléchir à la façon de les concrétiser.

Cette crise va-t-elle aussi avoir un impact durable sur la société ?

S.C : On s’est aperçu qu’un certain nombre de choses ne sont pas indispensables (vêtements, plats préparés…) et qu’on peut tout à fait prendre goût à faire les choses par soi-même. Aura-t-on le temps de continuer à cuisiner, coudre, bricoler et jardiner quand on va reprendre le rythme du travail ? Pas sûr. Je crains que beaucoup ne reprennent vite leurs habitudes de consommation…

Mais je pense que cette crise sanitaire va amplifier une tendance qui se dessinait déjà : le retour au vert, le télétravail et même le désir de vivre en autarcie.

*Auteur de Soigner son enfant hyperactif sans médicament, éditions livre de poche, 7,40 €.

  • Propos recueillis par Isabelle Blin
  • Crédit photo : Getty Images

2 commentaires pour cet article

  1. christiane

    Moi aussi personne âgée je suis tout à fait en accord avec les points que vous soulevez.
    Je vais devoir partir de mon expérience pour éclairer mon propos. Je vis seule depuis plus de 20 ans, ce n’était pas mon choix, mais la vie a fait que… et j’allais bien grâce au contact avec la nature notamment, mais aussi aux relations que je pouvais avoir autour de moi… même si quasiment dépourvue de famille ce n’était pas toujours facile. Etant autonome je pouvais aller à la rencontre des autres.
    Aujourd’hui, alors que je ne suis pas en établissement, que je n’ai besoin d’aucun soin physique… la solitude est de plus en plus difficile… et la seule personne très proche, en chair et en os, que j’aurais pu rencontrer autrement que par téléphone habite à 128 ou 123 Kms selon la méthode de calcul… et la règle des 100kms me paraît totalement arbitraire… et me semble ne jamais pouvoir avoir de fin.
    Et ce que je trouve sidérant c’est que le confinement comme le déconfinement se font à partir de chiffres financiers, de chiffres en nombre de morts… en km… en heures.
    Pour nous qui sommes définis en tant qu’humains, comme des êtres de relation la santé physique et la santé psychique me semblent là complètement déconnectées l’une de l’autre. On s’attend à ce qu’il y ait de gros dégâts psychiques… mais on s’en occupera, séparément, après… si ce n’est pas trop tard… alors que les capacités à avoir une réponse adaptée en termes d’immunité est justement très reliée à l’état psychique et relationnel.
    Je ne minimise pas du tout la nécessité du confinement, alors que moi j’ai rencontré le virus bien avant le confinement et malgré les précautions que j’avais prises, et que ce n’était pas une partie de plaisir. Mais le confinement et le déconfinement aurait pu et pourrait sans doute se faire avec plus d’humanité à mon avis… et sans oublier les personnes les plus vulnérables quelles qu’elles soient… si ceux qui se disent les « garants » de notre santé s’en étaient préoccupés.

  2. Philippe Le Gal de kerangal

    Il est a regretter que pendant cette crise les personnes âgées n’aient pas eu un accompagnement
    adapté. Population hautement à risque , ils ont été complétement négligés.
    je précise que je suis dans cette catégorie.

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