Allier soins en santé mentale et scolarité

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Par Victoire N’Sondé

Temps de lecture estimé 5 minute(s)

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© Getty Images

A l’Institut MGEN de La Verrière, dans les Yvelines, les équipes du pôle psychiatrie et psychopathologie dédié aux 12-25 ans accompagnent des jeunes hospitalisés en situation de crise aiguë puis quand leur situation s’est stabilisée, jusqu’au retour à la maison.

On aura pris un raccourci pour arriver plus vite au Pôle de psychiatrie et de psychopathologie de l’adolescent et du jeune adulte. Car le parc de l’Institut MGEN de La Verrière, dans les Yvelines, est vaste et accueille d’autres pôles (consacrés à la santé mentale des adultes et à la gériatrie). Et là, surprise : des daims gambadent dans un enclos. « Ils font partie de l’Institut. Les patients qui ont le droit de sortir peuvent venir se balader pour voir le parc », explique Isabelle Arnaud, cadre supérieure de santé. Elle est la responsable, avec la psychiatre Dr Manuella De Luca, du pôle adolescents et jeunes adultes.

Le parc semble concourir à la prise en charge des jeunes personnes. Grâce aux patios du rez-de-chaussée, aux terrasses attenantes à certains espaces du premier et du deuxième étage et surtout aux multiples baies vitrées du bâtiment, sa verdure et ses arbres restent visibles à l’intérieur des locaux, depuis les couloirs, les chambres, les salles de classe ou encore les espaces de détente et de jeux.

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Dessins d’enfants sur tableau blanc

Des cours et projets professionnels adaptés à l’état de santé

Ici, les lieux autant que les professionnels aident à réaliser, à la fois, la diversité des troubles dont peuvent souffrir les jeunes personnes en santé mentale mais aussi la multiplication des approches à l’œuvre pour les aider à aller mieux. Ainsi, dès le rez-de-chaussée du bâtiment, on se retrouve face à l’unité d’accueil et de crise pour adolescents. Y sont hospitalisés des jeunes le plus souvent adressés à l’institut par les services d’urgences psychiatriques des hôpitaux.

Quand la phase aiguë est endiguée, les jeunes montent au premier étage dans l’une des deux unités de réintégration scolaire. L’une est réservée aux collégiens et aux lycéens âgés de 12 à 17 ans, l’autre aux jeunes adultes de 17 à 25 ans. Les jeunes y résident la semaine et peuvent rentrer chez eux le week-end quand leur état de santé le permet. Médecins, infirmières, psychologues, éducateurs spécialisés, aides-soignants, cadres… On trouve l’équipe en charge de l’unité des 17-25 en pleine discussion. « Comme tous les matins, nous sommes en réunion de transmission pour faire le point sur les hospitalisations, indique le Dr Florence Danzin, la psychiatre référente de l’unité. Nos spécificités sont les troubles des conduites alimentaires, les pathologies psychiatriques aiguës, comme l’état dépressif, ou des pathologies plus chroniques (la schizophrénie, par exemple) … Nous prenons des patients dont l’état est compatible avec la reprise des cours ».

Quand on chemine dans les couloirs de l’unité de réintégration scolaire, on croise de jeunes gens en groupe dans une salle où trône un magnifique baby-foot en train d’écouter de la musique, d’autres seuls dans une salle de détente, portes entrouvertes. Logiquement, les espaces réservés aux entretiens individuels ou en famille sont fermés. Mais une salle de classe est ouverte. C’est celle d’Arnaud Drouin, professeur de mathématiques, qui enseigne à plein temps dans le pôle. Pas trop compliqué de faire cours dans une discipline qui rebute souvent les jeunes, même en milieu ordinaire ? « Les jeunes d’ici ont encore moins confiance en eux que les autres. Souvent, ils ont connu une scolarité un peu chaotique ou hachée. J’essaie de les regrouper selon leur niveau réel en mathématiques, indépendamment de leur niveau scolaire. Mais ils ne viennent pas à reculons. Je suis les programmes scolaires et on arrive à travailler ».

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Isabelle Arnaud, cadre supérieure de santé, l’une des deux responsables du pôle, et Arnaud Drouin, professeur de mathématiques.

Balnéothérapie, poterie, socioesthétique… soigner aussi par d’autres approches

On l’a compris, la scolarité ou l’accompagnement vers un projet professionnel jouent un rôle central, à côté des prises en charge médicales. Dans un autre bâtiment du parc, le département ERMS (pour Éducation Rééducation Médiation Sociothérapie) tient également une place importante. Psychomotriciens, enseignants en activité physique adaptée, ergothérapeutes, diététiciennes, socio-esthéticiennes… selon leurs spécialités, différents professionnels formés à la santé mentale interviennent dans les cinq services qui composent le département : la rééducation psychocorporelle, la rééducation fonctionnelle, l’ergothérapie, la diététique et la sociothérapie. « Ce qui va les relier, c’est la médiation, pour certains avec le corps, pour d’autres avec des objets, ainsi que la transversalité. La transversalité d’ERMS, c’est le fait de recevoir, de manière décloisonnée, tous les patients de la santé mentale dans nos locaux propres », explique Mathieu Richard qui dirige le département. Et ce dernier d’insister : « Tous nos soins sont sur prescription médicale. »

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Mathieu Richard dirige le département ERMS (Éducation Rééducation Médiation Sociothérapie).

Chaque service du département ERMS se distingue par une identité propre et des espaces emblématiques. Impossible d’échapper à l’odeur typique, à l’approche de la piscine utilisée pour la balnéothérapie, dans le cadre de la rééducation psychocorporelle, « par exemple, pour des jeunes personnes avec d’authentiques troubles de l’image et des limites du corps ». En ergothérapie, changement d’ambiance avec des salles consacrées au travail du bois, du tissu, à la poterie… En quoi consiste la sociothérapie ? « A rendre le patient acteur de sa prise en soins. Nous avons, par exemple, une boutique tenue par les jeunes sur certains créneaux, ce qui permet d’évaluer leur lien social ».

Une unité fermée par manque de moyens

La diversité des approches multidisciplinaires impressionne, au pôle dédié aux jeunes de La Verrière. Mais tout n’est pas rose. Comme partout en France, l’institut pâtit du manque de pédopsychiatres dans un contexte compliqué. « Depuis le Covid, nous sommes face à une explosion de demandes de soin pour des patients de plus en plus jeunes », s’inquiète le Dr De Luca. Les conséquences du manque de moyens sont très concrètes pour le pôle. En théorie, il comporte 90 lits (auxquels s’ajoutent sept places en hôpital de jour). Malheureusement, sa troisième unité de 30 lits, dédié aux jeunes adultes accompagnés sur le long terme, est actuellement fermée, dans l’attente de médecins...

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