Il faut regarder les trois mots qui composent « l’économie sociale et solidaire ». L’ESS allie l’économie, le sens du social et de la société et les solidarités. Elle remet l’humain au cœur de son projet. Ce qu’elle produit – des biens et des services comme dans toute économie – ne sert pas des intérêts personnels mais l’intérêt général. C’est ce qui fait sa différence. Sans pour autant la rendre moins pertinente sur le plan économique.
Dans l’ESS, la répartition des bénéfices, de la valeur ajoutée produite reste collective et non pas individuelle. C’est une économie qui a du sens par sa finalité d’utilité sociale mais aussi parce qu’elle s’adapte à l’évolution de la société. Elle a également du sens économiquement parlant, car elle irrigue le territoire dans lequel elle est implantée, y compris financièrement.
En effet. Et c’est justement ce qui fait que l’économie sociale et solidaire est parfois difficile à cerner pour le grand public. L’ESS est présente dans tous les domaines. Parmi ses structures, on peut trouver aussi bien une Scop industrielle avec 1 500 salariés qu’une association d’éducation populaire qui gère l’accueil des enfants en dehors de l’école. Ce n’est pas une filière. C’est plutôt une façon de faire, une philosophie en quelque sorte. L’ESS a également une autre particularité : elle est extrêmement ancrée dans les territoires. Elle s’adapte donc à la réalité du terrain et des besoins, mais toujours avec cette idée de le faire de façon collective et au service de l’intérêt général.
L’ESS de demain est en train de s’inventer et de se recréer dans les territoires. Elle a d’ailleurs toujours eu la capacité de prendre en compte son environnement. Elle se renouvelle aujourd’hui pour répondre au mieux aux défis de la transition écologique, de la transition numérique et pour s’adapter aux nouvelles formes de travail. On le sait, on ne va plus avoir une carrière entière en salariat, c’est terminé. L’ESS, avec par exemple les coopératives d’activités et d’emploi (CAE), trouve des solutions. Des solutions qui permettront d’avoir une activité qui va bouger tout au long d’une carrière. Tantôt salariée, tantôt entrepreneuriale.
Si l’on regarde les prix ESS que nous remettons depuis trois ans, à chaque fois on est bluffés par l’inventivité, l’innovation, l’enthousiasme et la recherche qu’il y a chez toutes ces structures pour répondre à tous les nouveaux enjeux.
Dans l’économie sociale et solidaire, le salarié n’est pas une variable d’ajustement. Comme elle n’utilise pas sa valeur ajoutée pour rémunérer ses actionnaires, elle a une résilience plus importante. En cas de difficulté ou de crise, comme nous connaissons depuis quelques années, elle continue à maintenir son emploi voire à en créer. Après, je ne suis pas sûre que cela va perdurer avec ce qui se passe en ce moment. On ne peut pas à la fois réduire les subventions des associations (le plus gros pourvoyeur d’emplois dans l’ESS) et restreindre les moyens des collectivités locales. Car ces dernières font beaucoup appel au monde associatif. La baisse de financement des associations ces dernières années était un peu compensée par les emplois aidés. Donc j’espère que le gouvernement va réfléchir et revenir sur sa décision. Il n’est pas possible de tout arrêter et de ne rien prévoir pour compenser.
À savoir
Christophe Itier a été nommé haut-commissaire à l’économie sociale et solidaire et à l’innovation sociale le 18 septembre 2017.
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L’économie sociale et solidaire est en bonne santé, comme le confirme l’Atlas commenté de l’ESS 2017.
À chaque fois qu’on lance des recrutements, on voit bien qu’on a énormément de candidatures. Parmi elles, des jeunes qui ont fait des études supérieures et qui pourraient prétendre à des emplois plus rémunérateurs. Avoir du sens dans ce qu’ils font leur semble important. C’est un des points qu’ils mettent en avant quand on les rencontre. Ils souhaitent avoir une activité qui leur apporte autre chose qu’un salaire à la fin du mois. Et même s’il y a des progrès à faire comme partout, la place du salarié dans l’ESS est sans doute plus reconnue.
Parallèlement, de plus en plus de personnes déjà en emploi souhaitent rejoindre l’économie sociale et solidaire, même si c’est avec des salaires moindres. Il faut dire que, passé 50 ans, on a peut-être plus de chances de se faire embaucher dans l’ESS qu’ailleurs. C’est même assez évident puisqu’il va y avoir dans les années qui viennent plus de 700 000 départs à la retraite. Ce qui est bien le signe que l’ESS garde ses salariés plus longtemps et ce qui va permettre des embauches.
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Non, pas obligatoirement. Il y a de la place pour les deux et il ne faut pas les opposer. Simplement, il faut qu’on trouve tout aussi normal de rémunérer l’investissement humain que l’investissement en capital. En cela, la loi ESS de 2014 nous a beaucoup aidés à faire reconnaître l’économie sociale et solidaire. Il y a quelques années, j’entendais encore des chefs d’entreprise me dire « l’ESS est un contributeur négatif à l’économie » ou « c’est une économie sous perfusion d’argent public ». Ce genre de propos, je ne les entends plus. L’ESS a prouvé ses résultats, sa pertinence. C’est une économie qui ne délocalise pas. Elle est donc bénéfique aussi aux autres entreprises. Car quand on maintient de l’activité et des emplois dans un territoire, tout le monde y gagne.