Des pandémies futures vont apparaître plus souvent, se propageront plus rapidement, causeront plus de dommages à l’économie mondiale, tueront plus de personnes que le Covid-19, à moins que l’approche globale de la lutte contre les maladies infectieuses ne soit modifiée. » Cette affirmation, formulée en octobre 2020, n’émane pas d’un prophète isolé mais de la très sérieuse Plateforme intergouvernementale scientifique et politique sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES). Pour le dire rapidement, l’équivalent du Giec sur la biodiversité.
Pourquoi les plus grands spécialistes mondiaux des écosystèmes naturels, et de la vie qu’ils abritent, auraient un point de vue aussi catégorique sur les pandémies ? La réponse tient en un mot : zoonose. Ce terme vient du grec « zoo », qui signifie animal, et « nosos », maladie. Une zoonose est donc une maladie qui se transmet de l’animal à l’homme, et vice versa. Les exemples les plus connus du grand public se nomment Ebola, maladie de la vache folle, grippe aviaire, SRAS, Zika ou encore tuberculose.
Même si le débat persiste, le Covid-19 est probablement une maladie zoonotique. Les scientifiques estiment qu’entre 631 000 et 827 000* virus présents dans la nature seraient susceptibles d’infecter les êtres humains.
L’alerte de l’IPBES pointe également le risque, à l’avenir, d’une augmentation de la fréquence d’apparition des pandémies. Le fondement de cet avertissement se trouve dans le lien direct que la communauté scientifique fait entre l’émergence des pandémies et le bouleversement par l’activité humaine des conditions naturelles de notre planète.
En effet, la destruction, ou la fragmentation, des habitats naturels oblige la faune à quitter certains écosystèmes, cela s’ajoutant au dérèglement climatique qui impose un déplacement forcé à de nombreuses espèces. Cette disparition d’un nombre croissant d’espaces sauvages est liée à l’artificialisation des sols ainsi qu’à l’agriculture et à l’élevage industriel.
« Pour nourrir les milliards d’animaux enfermés dans des élevages intensifs, les forêts sont coupées à grande échelle pour cultiver à la place de l’alimentation qui sera exportée pour nourrir les animaux de nos élevages intensifs », détaille le CIWF, une ONG qui plaide pour un élevage plus durable. En outre, la concentration des animaux dans les lieux clos, caractéristique de ce modèle d’élevage, est un facteur d’émergence supplémentaire de maladies infectieuses. Ce fut le cas notamment pour la grippe A(H1N1) de 2009.
Nos sociétés, en raison de leurs choix de production et de consommation, perturbent les équilibres écologiques et obligent les animaux à entrer plus fréquemment en contact avec nous. La probabilité de transmission de zoonoses est donc mécaniquement plus importante. Une fois le foyer épidémique créé, la mondialisation des personnes et des biens s’occupe de la propagation à grande vitesse. Endiguer les risques implique de mobiliser des solutions qui dépassent de loin la seule dimension médicale.
La pandémie actuelle de Covid-19 interroge notre manière d’être au monde et, pour reprendre les mots de l’anthropologue Philippe Descola, la nécessité de « repenser les rapports entre humains et non humains ».
* Échapper à l’ère des pandémies : les experts mettent en garde contre les pires crises à venir ; options proposées pour réduire les risques, communiqué de presse, IPBES, octobre 2020.